Tribune. S’il fallait résumer d’une formule le bilan social du quinquennat finissant, ce pourrait être « l’Etat contre l’Etat », c’est-à-dire le démantèlement de l’Etat par lui-même. Le sort actuel d’EDF en offre une parfaite illustration. EDF a été créée en 1946 pour assurer la continuité et l’égalité d’accès à l’énergie de toute la population, dans des conditions économiques abordables. Forte de ce consensus politique et social, de la compétence de ses ingénieurs et de l’autonomie que lui conférait son statut d’entreprise publique, EDF était devenue un leader mondial dans son domaine jusqu’à ce qu’en 1999, obéissant aux directives européennes, le gouvernement entame son démantèlement pour revenir à la situation des années 1930, d’un marché de l’énergie ouvert à la libre concurrence. Ce marché largement fictif (EDF est le seul producteur) s’avérant aujourd’hui incapable d’assurer la continuité et la modicité du service, le gouvernement en tire argument, non pour restaurer le service public de l’électricité, mais bien au contraire pour obliger EDF à soutenir artificiellement ses concurrentes, la privant ainsi des ressources nécessaires aux investissements qu’appelle notamment la transition écologique.
En l’absence cette fois de toute consigne européenne, les mêmes méthodes sont appliquées à la Sécurité sociale. Egalement créée à la Libération, elle jouissait, elle aussi – à la différence du système britannique –, d’une autonomie à l’égard de l’Etat. Cette autonomie interdisait notamment à l’Etat de puiser dans ses caisses. Aujourd’hui, le gouvernement en a pris l’entier contrôle et lui impose de s’endetter pour payer ses propres factures. Il n’est pas de jour où l’on n’aggrave pas ses charges tout en diminuant ses ressources, créant ainsi les conditions de sa faillite et de l’ouverture au marché des assurances santé ou vieillesse.
Convergence des marxistes et des libéraux
L’actuel président, dont François Hollande a pu écrire : « Macron, c’est moi », n’est que le dernier avatar de cette politique de dépérissement de l’Etat social. Au nom de la « république contractuelle », qu’aussitôt élu il a promis d’établir devant le Parlement réuni en Congrès, il s’est efforcé de démanteler tous les statuts garantis par l’Etat. Promesse tenue avec la casse méthodique de tous les statuts professionnels (statut salarial, fonction publique, cheminots, préfets, diplomates, universitaires…) et la paupérisation de tous les services publics (police, hôpitaux, tribunaux, écoles ou universités). Diriger ainsi l’Etat comme une start-up n’a pas empêché l’aggravation du déficit commercial. Les responsabilités en ce domaine seraient aussi à rechercher du côté des « élites économiques » qui, contrairement à leurs homologues allemandes, ont fait depuis trente ans le choix de la financiarisation et de la désindustrialisation. Elles sont enclines – trait bien français – à toujours imputer à l’Etat leurs propres insuffisances. Car en France, l’Etat demeure l’objet de toutes les attentes et la cible de toutes les critiques, ce qui rend son autodémantèlement particulièrement dangereux.
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