Publié le 21 févr. 2022 à 15:58

« Après deux ans passés à Barcelone, j’avais envie d’exercer mon métier de dessinateur industriel en France. Je cherchais un atelier, et les fondateurs du coworking La Mutinerie dans le 19e arrondissement de Paris, que je connaissais bien, m’ont proposé de les suivre dans le Perche, en 2014.

Ils venaient d’hériter d’une maison de famille qu’ils voulaient transformer en espace de coworking et de coliving. Pour moi, c’était temporaire. Je m’y voyais passer trois mois. Au final, je ne suis jamais reparti ! (Rires.)

Trois maisons, 50 hectares de jardin

Les coworkers viennent de partout, il n’y a pas un jour sans que je fasse une rencontre originale, que je découvre un parcours singulier. C’est cette ambiance qui très tôt m’a décidé de monter mon entreprise là-bas.

Le corps de ferme, entouré de 50 hectares de jardin, est divisé en trois entités : une grande maison partagée de coliving où on loge les groupes (une vingtaine de places), une petite maison où il y a mon atelier, mon bureau, mon appart et l’espace de coworking, et enfin une autre maison où vivent actuellement deux résidents permanents. On est tous locataires (pour les résidents non permanents, c’est environ 450 euros par mois tout compris).

Sur le volet organisationnel, nous n’avons pas eu de modèle, si ce n’est certaines résidences d’artistes. Alors, on a testé différentes configurations : en huit ans, on a fait des grosses colocs, des espaces plus privatisés pour les personnes extérieures, des séjours très courts, d’autres plus longs, des conférences, ateliers, formations à un rythme soutenu… La Mutinerie Village, c’est un petit laboratoire pour le travail et la ruralité.

De l’entreprise au statut associatif

Je suis devenu le référent du lieu à partir de 2016. Comme je vis sur place, je fais le lien avec le territoire : les acteurs publics du coin, les voisins, les télétravailleurs du cru, etc. Cette prise de responsabilité s’est faite de manière très « naturelle » et un peu informelle.

Et puis, il y a deux ans, la structure a changé de forme. Les fondateurs étaient pris par d’autres projets et voulaient en déléguer la gestion. Après avoir été une entreprise pilotée depuis Paris par une équipe de cinq salariés, elle est devenue une association, dont je suis devenu président.

La forme associative a l’avantage de nous permettre de travailler sur nos entreprises personnelles en priorité. En plus de l’intendance quotidienne, on s’occupe de La Mutinerie Village quand on a le temps. On est bénévoles.

« C’est le jeu de la vie en communauté »

Financièrement, nos revenus proviennent des résidences et des événements ponctuels que l’on organise. Tout ce que génère le lieu va à l’asso. Être une association nous permet de ne pas être en tension financière – contrairement à une entreprise avec des salariés à charge comme par le passé.

La Mutinerie Village est un ancien corps de ferme composé de trois maisons : une dédiée au coliving, une au coworking et une réservée aux résidents permanents.

La Mutinerie Village est un ancien corps de ferme composé de trois maisons : une dédiée au coliving, une au coworking et une réservée aux résidents permanents.DR

Toutes nos décisions se prennent en assemblée générale. Elles ont lieu tous les deux mois, et on est au minimum trois personnes. Elles sont ouvertes aux résidents de passage, mais aussi aux télétravailleurs du coin. C’est aussi un de nos objectifs : faire un pont entre les locaux et nos résidents.

Evidemment, ça arrive qu’on ait des différends. Dans ce cas-là, on pèse ensemble le pour et le contre, puis la majorité l’emporte. C’est le jeu de la vie en communauté.

Recherche quatre nouveaux colocs

A cause de la pandémie, nos activités ont été quasi à l’arrêt. Mais là c’est cool, on sent que ça repart. Pour les beaux jours, on expérimente un nouveau format : ce que l’on a appelé « la résidence verte ». Un séjour de trois mois (au moins) pour quatre personnes.

Ils sont choisis au terme d’un appel à candidatures en ligne, ouvert jusqu’au 1er mars. Nous sommes attentifs à ce que les personnes qui vont passer ce temps avec nous soient en adéquation avec l’esprit du projet.

C’est important car on va vivre et travailler ensemble en pleine campagne pendant un bout de temps. Les réponses seront publiées le 1er avril pour un emménagement le 30 juin. On a hâte de découvrir nos nouveaux colocs !

Participer aux tâches ménagères et à l’entretien du potager

Le coliving est un idéal de vie. On est chacun chez soi, mais il faut plus qu’ailleurs tenir compte des autres. Quand certaines entreprises venaient en groupe de vingt personnes pour un week-end et ne se mélangaient pas trop aux autres, ça pouvait être pesant et faire un peu hôtel. Cette formule, on l’a d’ailleurs arrêtée. C’était trop éloigné de ce qui m’avait plu au départ.

Mais au contraire, quand ce sont des groupes dont les membres ne se connaissent pas en amont (des indépendants, par exemple) ou de plus petites équipes (moins de dix), c’est superconvivial, on rencontre des gens, on apprend à se connaître tous en même temps.

Souvent, c’est aussi qu’ils ont adhéré au projet : ils participent aux tâches ménagères, à la préparation des repas, à l’entretien du potager – même si, en soi, rien n’est obligatoire ! Beaucoup nous disent : « ç​a fait deux jours que je suis là, mais je me sens comme à la maison ! » On pourrait dire qu’on est comme un Airbnb avec des gens dedans. A l’avenir, on aimerait ouvrir le lieu pour de courts séjours, une semaine par mois.

Un carnet d’adresses fourni

A La Mutinerie, j’ai avancé beaucoup plus vite sur mon projet professionnel que si j’avais été en ville. Je suis monté en compétences pour tout ce qui est de l’ordre de la gestion d’un projet, d’un lieu, l’événementiel, la communication mais aussi, au contact des autres, j’ai appris les bases de l’entrepreneuriat en freelance.

Je me suis également fait un super-carnet d’adresses pour mon activité de dessinateur et mon travail d’artisan du bois, que j’ai développé sur place. Ce que j’aime dans cet endroit, c’est que tout se fait de manière informelle, au détour d’un café – et non pas par une formation sur Zoom totalement déshumanisée. »

À noter

Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n’hésitez pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr

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