Premier choix d’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne était devenu le second dans la semaine précédent sa nomination. Une volte-face qui n’a pas plus aux barons de la Macronie. Un début de fronde qui a fait reculer le président réélu.

Décidément, ce deuxième quinquennat commence bizarrement. Il aura fallu vingt-deux jours au président réélu pour nommer Elisabeth Borne au poste de Première ministre . Vingt-deux jours pour revenir à sa « première intuition » selon Richard Ferrand, le premier grognard d’Emmanuel Macron. Mais en Macronie, on aime prendre son temps. Le nom de la ministre du Travail circulait depuis plus d’un mois comme favorite pour succéder à Jean Castex. Emmanuel Macron n’aime pas les évidences alors il s’est mis en tête de trouver un profil différent du sempiternel CV de haut-fonctionnaire. Aiguillonné par le tandem Thierry Solère (conseiller politique) et Sébastien Lecornu (ministre des Outre-mer), poussé en coulisses par l’ancien ministre Jean-Louis Borloo et même encouragé par Jean Castex, le président a cru avoir trouvé la perle rare avec Catherine Vautrin, une élue locale (Reims), ministre de Jacques Chirac il y a vingt ans puis trésorière de Nicolas Sarkozy. L’affaire était presque dans le sac jusqu’au moment où les barons macronistes disent « niet ».

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A peine réélu, Emmanuel Macron a donc essuyé sa première fronde. Incroyable mais vrai. « Jupiter » a renoncé à son choix audacieux qu’aurait constitué celui de nommer cette femme de droite pro-mariage pour tous, ralliée aux marcheurs en février dernier. Catherine Vautrin a déclenché un triple non : du centriste François Bayrou au pilier macroniste Richard Ferrand en passant par le patron des députés européens Stéphane Séjourné. Sans compter l’hostilité d’Alexis Kohler, puissant secrétaire général de l’Elysée. Le président est finalement revenu à sa « première intuition ». Un front du « non » plutôt inattendu. Tout s’est terminé, lundi en fin d’après-midi, avec un communiqué de l’Elysée annonçant la nomination d’Elisabeth Borne au poste de Première ministre. Fin de l’épisode. Bien sûr, tout ça passe au-dessus de la tête des Français qui se réjouiront globalement de la nomination d’une femme, la première depuis trente et un ans. Mais cette désignation aux forceps risque de laisser des traces. Elle a déjà hérité d’un méchant sobriquet « Plan B » comme Borne. 

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Mitterrand et Chirac, des problèmes avec leur majorité après leur réélection

Pour Emmanuel Macron, l’épisode pourrait laisser un goût amer. Pour la première fois, ses marcheurs réputés si dociles se sont rebellés. La décision solitaire de leur chef, qui avait promis une nouvelle gouvernance, ne suffit plus pour déclencher automatiquement l’unanimité. Certains de ses prédécesseurs ont connu pareille mésaventure. On se souvient de François Mitterrand. En 1988, « Tonton » vient d’être réélu haut-la-main pour la perdre presqu’aussitôt. Aux législatives d’abord, le président socialiste n’obtient qu’une majorité relative. A la tête du PS ensuite, il ne parvient pas à imposer son préféré Laurent Fabius au poste de premier secrétaire qui revient à Pierre Mauroy. Le prélude à une impitoyable guerre de succession entre Laurent Fabius et Michel Rocard.

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En 2002, Jacques Chirac vient d’être réélu à la surprise générale. Il décide de placer ses hommes : Jean-Pierre Raffarin à la tête du gouvernement tandis qu’Alain Juppé, son « fils préféré » prend les rênes de l’UMP. Exit Nicolas Sarkozy, l’homme qui monte à droite. Relégué au ministère de l’Intérieur, le turbulent maire de Neuilly s’en servira de rampe de lancement pour son ascension vers l’Elysée. L’histoire récente démontre que les présidents réélus éprouvent bien des difficultés à retarder les guerres de succession. Les hésitations des derniers jours montrent qu’Emmanuel Macron, qui ne peut pas se représenter en 2027, devra compter avec ses amis politiques qui ne s’en laisseront pas compter. Nouveau président et nouveau mandat certes, mais aussi nouvelle donne politique. Une situation inédite sous la Vème République. 

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