DécryptagesA 26 ans, le président par intérim du Rassemblement national fait campagne en vue de prendre les rênes du parti d’extrême droite à l’automne. Il rêve d’une synthèse entre le marinisme et la tendance zemmourienne.
La digestion du cochon à la broche dans l’air lourd, par 33 °C, samedi 4 juin, plonge les militants dans la torpeur, à l’ombre des platanes de l’hippodrome de Cavaillon (Vaucluse). Quelque 300 participants patientent. Soudain, la porte-parole du Rassemblement national (RN), Laure Lavalette, hurle dans le micro : « Il est jeune ! Il est beau ! » Jordan Bardella arrive, chemise blanche immaculée, se prête aux photos avec des dames ravies de s’agripper au fringant président par intérim du parti. Sur scène, accoudé au pupitre, il prend la pose tout en racontant « un véritable film d’horreur » dans une « France ensauvagée et inhumaine ». Il sait qu’en contrebas, son photographe le mitraille.
A son service depuis un an, le prestataire Raphaël Attal a reçu pour consigne, depuis trois semaines, de styliser ses clichés. On découvre M. Bardella en égérie du national-populisme, dans des mises en scène ultra-personnifiées, Ray-Ban au col ou dans la pénombre d’une berline. Son inspiration ? Les séries de Soazig de La Moissonnière, la photographe officielle d’Emmanuel Macron, qu’il suit de près. « Il aime avoir une com’ léchée », atteste François Paradol, son discret chef de cabinet. Le dauphin de Marine Le Pen s’attelle à sculpter son image de futur président en titre du RN et à préparer sa « nouvelle ère ». « Le moment de monter dans la voiture arrive, je vais choisir de conduire », glisse-t-il en aparté, alors qu’un congrès du parti doit se tenir à l’automne pour lui confier les clés, à l’issue d’un vote interne.
Comme toujours, M. Bardella slalome entre les feux et autant de paradoxes. Le meilleur soldat de Marine Le Pen dit vouloir poursuivre la normalisation engagée depuis dix ans et gommer l’extrémisme de l’ex-Front national… mais s’accorde sans peine avec l’idéologie d’Eric Zemmour – « un concurrent, pas un adversaire » –, dont il avait lu les livres avec gourmandise. La répartition des rôles avec la candidate du RN à la présidentielle n’était pas que de circonstances. A lui la drague de l’électorat zemmourien à coups de reprises de la théorie raciste du « grand remplacement » et des poncifs visant les étrangers, à Marine Le Pen la partition de l’adoucissement. A lui encore les meetings dans le Var et le Vaucluse pour les législatives, quand Mme Le Pen se fixe plutôt dans les Hauts-de-France.
« Ça brûlait en bas de la maison »
Jordan Bardella plaidait pour des alliances avec Reconquête !, dans l’espoir d’éviter une délégation de députés trop acquise à la ligne nordiste. Sans densité politique comparable à un Le Pen, il n’est pas non plus la coquille vide décrite par ses détracteurs : il est bien plus identitaire que Marine Le Pen, sans en assumer le terme. A Budapest, le 20 mai, au CPAC, le grand raout des conservateurs américains, Jordan Bardella s’est mué en clone de Jean-Marie Le Pen en discourant sur la démographie mondiale et « la ruée vers l’Europe » de l’Afrique.
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