Son titre de gloire est d’avoir battu, sèchement, Ségolène Royal en 2012. Les projecteurs s’étaient alors braqués sur Olivier Falorni par la grâce d’un tweet cinglant de Valérie Trierweiler, à l’époque compagne de François Hollande, en pleine campagne pour les élections législatives : « Courage à Olivier Falorni qui n’a pas démérité, qui se bat aux côtés des Rochelais depuis tant d’années dans un engagement désintéressé. » Depuis, l’ancien patron du PS de Charente-Maritime, exclu du parti en 2012, a renoué avec la discrétion. Il a toutefois été réélu en 2017 puis en 2022, haut la main (66 %) et seul contre presque tous : en juin, il a affronté deux listes concurrentes, l’une du parti macroniste, l’autre de la Nupes… « Ça rend libre ! » s’amuse Olivier Falorni. De cette liberté, il compte user. L’ami de François Hollande tente de constituer à l’Assemblée nationale, d’ici l’automne, un groupe de centre gauche, avec d’autres députés hostiles à la Nupes, comme les socialistes David Habib ou Laurent Panifous. Falorni est persuadé que la social-démocratie, malgré les coups de boutoir de Jean-Luc Mélenchon, a encore un avenir. Il s’en explique.
Le Point : Il y a quelques jours, vous espériez constituer un groupe de centre gauche. Cette ambition a échoué. Le centre gauche parlementaire n’a donc plus sa place à l’Assemblée nationale ?
Olivier Falorni : Nous avons toujours l’objectif de créer un groupe clairement identifié au centre gauche, constitué de députés élus sur une ligne républicaine et laïque, et bien évidemment hors de la Nupes. Nous avons eu des discussions avec des collègues, outre les élus d’outre-mer et de Corse, qui avaient aussi l’ambition de créer un groupe mais avec une orientation marquée à droite. Notre objectif initial ne trouvait plus son sens. Mais nous envisageons toujours la création d’un groupe social-démocrate. Il nous semble essentiel, pour le Parlement comme pour le gouvernement, que cette sensibilité soit représentée à l’Assemblée nationale. Il y aura en effet des textes que nous pourrions soutenir, à condition d’être écoutés et respectés.
Qui pourrait en faire partie, mis à part les six députés non-inscrits, dont vous êtes ?
Nous voulons travailler avec des sociaux-démocrates. Des élus de cette tendance figurent au sein du groupe socialiste. Ils ont certes été élus sous la bannière de la Nupes mais ne sont pas en phase avec le programme de M. Mélenchon. Certains sociaux-démocrates participent aussi à la majorité présidentielle, notamment au sein du parti Territoires de progrès. Ils sont fidèles à Emmanuel Macron, mais aussi à leurs convictions politiques. Je souhaite donc dire aux sociaux-démocrates du PS qui ont envie de s’affranchir de la tutelle de La France insoumise, mais aussi à ceux qui sont dans le groupe Renaissance, qu’il faut faire vivre avec nous cette sensibilité à l’Assemblée nationale. Pour faire un groupe composé de législateurs de gauche, et non pas d’agitateurs de gauche.
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Qui sont les agitateurs ?
On l’a encore vu hier [mercredi 6 juillet, NDLR], avec ce faux mariage ridicule organisé place du Palais-Bourbon par LFI, qui mettait en scène l’alliance entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. On l’a aussi vu avec les vociférations et les brailleries des élus Nupes sur les bancs de l’Assemblée. Quelle image tout cela donne-t-il des parlementaires ! Je suis consterné par ces méthodes. En entrant dans l’hémicycle, certains néodéputés Insoumis ont dit, littéralement : « On va foutre le bordel ! » Cette façon de faire est déplorable, pour deux raisons. D’abord, elle a pour effet de braquer une partie de la population, qui se dit : « Ces politiques sont vraiment tous des clowns. » Ensuite, elle tend à rendre respectable le Rassemblement national. Les députés RN en profitent, ils ont choisi la stratégie inverse : puisque l’extrême gauche choisit la stratégie de la « bordélisation », eux choisissent celle de la notabilisation. Ils sont respectueux, ils se tiennent bien, ils ne refusent pas de serrer la main de leurs collègues, ils ne sont pas dans le stand-up agressif. LFI joue avec le feu : ses parlementaires, par leur comportement sectaire et agressif, déroulent hélas le tapis rouge à Marine Le Pen vers l’Élysée.
Les Insoumis n’ont d’ailleurs pas attendu : ils se sont fait entendre sur les bancs de l’Assemblée dès le discours de politique générale d’Élisabeth Borne, ce mercredi…
Oui, et j’ai trouvé particulièrement insupportable que Mathilde Panot [la présidente du groupe LFI, NDLR] parle de Mme Borne comme d’une « rescapée ». Quand on connaît son histoire familiale, qu’elle a d’ailleurs rappelée juste avant dans son discours de politique générale [la Première ministre a évoqué son père, qui n’était « jamais vraiment revenu » des camps de la mort, NDLR], je trouve que ce terme de « rescapée » est absolument scandaleux. Quand je dis que les deux extrêmes doivent être combattues, je vois malheureusement que l’extrême gauche cède aux mêmes techniques de provocation verbale que l’extrême droite. Je note aussi que deux candidates LFI aux législatives à Paris ont invité M. Corbyn [ex-leader du parti travailliste britannique, NDLR], écarté de sa formation pour complaisance avec l’antisémitisme, afin de poser avec lui en photo. Tout cela est très malsain.
Jean-Luc Mélenchon ne profite-t-il pas de l’appauvrissement du personnel politique ? Sa voix porte parce qu’il est talentueux, mais aussi parce que rares sont ceux dont la voix porte autant…
Mon mentor était l’ancien député-maire de La Rochelle Michel Crépeau ; ma référence en politique, c’est Georges Clemenceau. Tous deux étaient des maîtres de l’art oratoire. J’ai toujours été impressionné par les politiques qui savent manier le verbe et entraîner une foule. Mais j’ai constaté combien un tribun comme Jean-Luc Mélenchon pouvait asséner autant de promesses aussi réalistes que démagogiques, et que ça séduise autant d’oreilles ! C’est pourquoi je suis maintenant moins en attente de grands orateurs et oratrices, mais plutôt de politiques concrets et pragmatiques. Le discours de politique générale d’Élisabeth Borne, qui a été d’une certaine manière austère et terre à terre, n’entrera pas dans les grands moments d’éloquence de la vie parlementaire. Mais, eu égard à la période extrêmement difficile que nous traversons, je dirai finalement : tant mieux ! Nous avons plus besoin d’actes que de phrases, plus besoin de mesures que de censure.
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Vous êtes donc prêt à négocier des compromis avec la majorité sur des textes, avec ou sans le groupe que vous souhaitez constituer ?
Le pays n’a plus le choix. Si, en 2027, on ne veut pas avoir à choisir entre M. Mélenchon qui, j’en suis sûr, se représentera, et Mme Le Pen, il faut avancer. Si le pays reste bloqué pendant des années, les Français se diront : « Pour le débloquer, il n’y a plus que les extrêmes. » Il nous faut donc trouver des compromis, ce qui ne signifie nullement compromissions, comme l’affirment souvent les sectaires. Il nous faut enfin pratiquer un vrai parlementarisme, qui doit atténuer un présidentialisme excessif. Emmanuel Macron a été trop jupitérien, les Français ont voulu corriger le tir en rééquilibrant le fonctionnement de nos institutions.
Justement, le scrutin proportionnel serait-il judicieux, pour encore plus rééquilibrer les pouvoirs ?
Je suis contre ce mode de scrutin. C’est une fausse bonne idée. Il est fondé sur un scrutin de listes où atterrissent des apparatchiks parisiens de tous les partis, des gens coupés du terrain. Le scrutin majoritaire vient de prouver qu’il pouvait représenter toutes les sensibilités politiques.
L’extrême gauche, que représente la Nupes, n’est-elle pas un artifice ? Autrement dit, ne pensez-vous pas que le PS n’en fait partie que par tactique électorale, pour sauver les meubles ? Avait-il le choix ?
On a toujours le choix entre vendre son âme et sauver son identité. Olivier Faure [premier secrétaire du PS, NDLR] a réussi un joli coup tactique pour sauver son propre siège de député, mais est-il vraiment glorieux de sauver un groupe de 25 à 30 élus à l’Assemblée ? Difficile d’en être fier quand on voit ce qu’était le Parti socialiste il y a encore dix ans. Je ne me résous pas à ce que le PS devienne le valet de M. Mélenchon. Je n’accepte pas que les socialistes deviennent soumis aux Insoumis.
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L’électorat de gauche souhaitait l’union. Peut-on reprocher à Olivier Faure d’avoir répondu à cette attente ?
Certains électeurs socialistes se sont ralliés à l’idée d’union de la gauche. Oui, l’union nous a fait gagner en 1936, en 1981, en 1997. Mais elle s’était construite autour du PS, qui en était le pivot. Aujourd’hui, le pivot s’appelle Mélenchon. C’est donc la version extrême de la gauche, qui mène par ailleurs une stratégie méthodique d’éradication de la gauche modérée, républicaine et laïque. N’oubliez pas que Jean-Luc Mélenchon était mitterrandiste, il est en train de faire au PS ce que François Mitterrand a fait au PCF. Olivier Faure, c’est un peu le Georges Marchais de 2022. Il signe des accords en croyant survivre. Le PS survivra peut-être, mais, comme le PCF survit aujourd’hui, en sauvant quelques élus et quelques mairies. Une simple survie sous assistance électorale. La social-démocratie mérite mieux que ça.
Y avait-il une alternative à la Nupes ?
Je le crois. La gauche modérée existe, avec des personnalités comme Carole Delga, Valérie Rabault, et même des membres de la majorité présidentielle tels qu’Olivier Dussopt [ministre du Travail, NDLR]. La prochaine présidentielle se jouera inévitablement sans Emmanuel Macron. J’espère donc qu’un candidat incarnant la sensibilité sociale-démocrate sera présent. Il faut un candidat de la gauche du « RÉEL » : R comme républicain, E comme européen, E comme écologiste, L comme laïc. Cette gauche du réel doit exister, pour contrecarrer la gauche extrémiste et démagogue.
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