Novak Djokovic n’est pas seulement allergique aux piqûres. Le tennisman a aussi la fâcheuse habitude de faire rebondir sa balle plusieurs fois avant de servir. Son adversaire, impuissant, ne peut que subir le rythme du Serbe. Valérie Pécresse doit aussi prendre son mal en patience. Emmanuel Macron n’est pas prêt de lancer sa balle et continue de jouir de son statut de chef de l’Etat. Il rencontrera Vladimir Poutine lundi à Moscou puis le président ukrainien Volodymyr Zelensky mardi à Kiev pour parvenir à une désescalade dans la crise ukrainienne. La candidature à l’élection présidentielle attendra.
Ordinaire jeu de rôle sous la Ve République. Le président sortant mène une campagne masquée à l’Elysée, ses opposants crient à la malhonnêteté. Valérie Pécresse a accusé le 12 janvier Emmanuel Macron de faire campagne “aux frais du contribuable” et l’a exhorté à se déclarer. “Bas les masques”, a-t-elle lancé sur France 2. Cette drôle de guerre n’est pas à l’avantage de la candidate LR. Elle compte installer un duel avec le chef de l’Etat, dont elle étrille le bilan à chaque interview. Manière d’exclure ses autres rivaux, incapables selon elle de battre Emmanuel Macron au second tour. Longtemps affublée d’une image Macron-compatible, Valérie Pécresse veut enfin mettre en lumière ses différences avec le président.
Un adversaire fantôme
L’enjeu de ce duel est quantifié. Dans le camp Pécresse, on estime que la candidate doit récupérer les électeurs de François Fillon partis chez Emmanuel Macron. “Il faut leur ouvrir les yeux sur son bilan : faiblesse régalienne et absence de réformes”, juge son directeur de campagne Patrick Stefanini. “On peut lui prendre 2-3 points”, calcule un fidèle de la candidate.
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Cette chasse est plus difficile à mener face à un candidat fantôme. “C’est embêtant de ne pas avoir de punching-ball”, sourit un conseiller de Valérie Pécresse. L’équipe de la candidate en est convaincue : l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron lancera la campagne présidentielle, qui peine aujourd’hui à intéresser les Français. L’opinion pourra alors se cristalliser. “Ce sera le déclic. On veut pouvoir déconstruire le bilan de Macron, mais ce n’est pas audible aujourd’hui. On pédale dans le vide”, analyse un lieutenant de Valérie Pécresse.
L’ancienne ministre n’est pas inactive. Elle déroule avec méthode son projet depuis le début d’année et multiplie les déplacements thématiques. Point d’orgue de ce début de campagne : le grand meeting parisien du 13 février, au cours duquel elle devrait développer sa vision de la France. Mais il faudra attendre qu’Emmanuel Macron descende de l’Olympe pour que le match commence.
“Macron a tort de ne pas partir tôt”
Cette situation ne recèle pas que des inconvénients. Valérie Pécresse comble son déficit de notoriété en multipliant les interventions médiatiques. La candidate sait qu’elle doit se faire connaître des Français. Cette rencontre est plus facile à faire par temps calme. Ancien conseiller communication de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier juge que le temps ne joue pas en faveur d’Emmanuel Macron. Ce dernier reproduit à ses yeux l’erreur de son prédécesseur, qui avait tardé à se lancer en 2012. “Il a tort de ne pas partir tôt. Quand sa campagne commencera, les gens remettront les compteurs à zéro. Il aura moins de temps que les autres pour déployer son projet”, juge le maire LR de la Baule.
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Reste une inconnue : la nature de la campagne d’Emmanuel Macron. Elu sur une promesse de dépassement des clivages, l’homme est doté d’une plasticité idéologique redoutable. Braconnera-t-il à droite où à gauche ? Les voix sont plus nombreuses dans le premier camp, mais la décomposition du second lui offre des perspectives. “Il ira là où il peut séduire, juge le député LR Eric Pauget. Il peut commencer sur un positionnement et finir sur un autre. “Il est libre et mobile, ajoute un cadre LR. Mais cette mobilité est anxiogène car on ne sait jamais de quel côté la pièce va retomber”. Emmanuel Macron n’a pas encore servi, mais son adversaire ne sait pas encore sur quelle surface se jouera la partie.
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