Alors que Valérie Pécresse (Libres !) n’est toujours pas candidate à sa succession à la tête de l’Île-de-France, 511 maires ont appelé à la soutenir dont 16 en Seine-Saint-Denis
Alors que Valérie Pécresse (Libres !) n’est toujours pas candidate à sa succession à la tête de l’Île-de-France, 511 maires ont appelé à la soutenir dont 16 en Seine-Saint-Denis (©MD/Actu Seine-Saint-Denis)

Valérie Pécresse, la présidente de la Région Ile-de-France, aime avancer. Son entourage politique dit d’elle qu’elle ne sait pas s’arrêter.

« Elle est efficace, connaît tous ses dossiers par cœur. Quand elle a décidé quelque chose, elle va jusqu’au bout », confie le maire (DVD) de Versailles, François de Mazières.

C’est une femme « tenace, solide, pugnace », décrit le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, qui est aussi le président des comités de soutien de la candidate.

Jean-Michel Fourgous, l’ancien député LR des Yvelines en 2002, date à laquelle Valérie Pécresse l’emporte, elle, dans la 2e circonscription, souligne : « Valérie, ce n’est pas son truc de plaire. Elle agace parfois mais c’est une fille bien. Elle apprend vite. C’est une intellectuelle qui comprend les variables très vite. »

A les entendre tous, elle ferait penser à cette sculpture du mouvement, L’homme qui marche d’Alberto Giacometti, mais elle va sans doute penser que la remarque est sexiste. Car cette énarque, née à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) dans une famille d’intellectuels, n’a eu de cesse de lutter contre le « sexisme ambiant en politique » pour se faire une place parmi les hommes.

Des attaques sexistes après le rassemblement de Bercy

Après son premier grand rassemblement à Bercy, le 13 février 2022, un rendez-vous qualifié de « raté » par nombre d’observateurs, elle dénonçait encore des « attaques sexistes » de la part des médias et de ses adversaires politiques qui l’avaient trouvée « nulle » quand ce ne fut pas des politiques issus de son propre camp.

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Un « traitement de faveur » ironise-t-elle, avec une charge critique démultipliée parce que c’est une femme. Argument fallacieux d’une candidate en perte de vitesse ? Ou réalité vécue par une élue en politique ? Une chose est sûre, ces remarques ne datent pas d’aujourd’hui.

En 2019, la présidente de Région rappelait sur France Inter, « Quand un homme dit une bêtise, c’est une bourde. Quand c’est une femme, c’est une gourde ».

Le professeur Bertagna et André Malraux !

Lorsque Valérie Anne Emilie Roux voit le jour le 14 juillet 1967, ses parents sont très jeunes.

Son père, Dominique Roux, prépare l’agrégation. Natif de Gap (Hautes-Alpes), Dominique, au tempérament méditerranéen, emmènera souvent sa jeune fille dans sa région natale pour qu’elle rende visite à ses grands-parents.

Le solide parcours scolaire du papa laissera un imposant héritage culturel. Sur son CV : docteur ès Sciences économiques, docteur ès Sciences de gestion et agrégé de sciences de gestion. Ce professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine (1982) créera des magistères. En 2007, il prendra la présidence de la société Bolloré Telecom jusqu’en 2014.

Sa mère, Catherine Bertagna, est mère au foyer. Cette jeune femme d’origine corse a pour père Louis Bertagna, un catholique, résistant, gaulliste de la première heure, passionné de politique.

Il fut surtout un très grand médecin neuropsychiatre français, pionnier dans le traitement de la dépression. Il a contribué à la découverte de la bipolarité. Il soignera, bien plus tard, la fille de Jacques Chirac, Laurence, atteinte d’anorexie. Un premier lien indirect avec le monde de la Chiraquie, dont Valérie Pécresse fera son ancrage politique.

On la croit dyslexique mais c’est une précoce 

Louis Bertagna fut un homme très important dans la structuration intellectuelle de la jeune Valérie. Il est l’ami d’André Malraux. Quand elle se rend chez son grand-père maternel, à 8 ans, elle y rencontre l’auteur gaulliste qui deviendra un personnage-clé dans son destin.

Longtemps, les lectures de Malraux Les Chênes qu’on abat, La Condition humaine influenceront sa réflexion avec l’idée-force qu’une vie ne vaut d’être vécue que si elle se situe au cœur de l’action.

Outre, Malraux, elle y rencontre Romain Gary et Paul Delouvrier, tous des résistants et gaullistes. « J’écoutais leurs conversations, cachée derrière les rideaux », expliquera-t-elle dans une rare interview intimiste livrée au Monde, le 21 mars 2016.

Une famille gaulliste, un monde d’intellectuels qui par pudeur ne dit pas souvent «Je t’aime », voilà son univers. La bulle de Valérie Roux est faite de livres, de rêves – elle voulait être actrice. Elle apprend à lire très jeune.

En maternelle, en voyant qu’elle tient son crayon de la main gauche, on la croit dyslexique mais c’est une précoce ! Elle part dans le privé à l’école des religieuses de Saint-Marie à Neuilly, l’établissement accueille les CP à 5 ans.

A 15 ans, sa boulimie livresque lui fait côtoyer des auteurs russes : Boris Pasternak et Le Docteur Jivago la transcendent. Après un séjour en Angleterre, elle veut apprendre le russe. Elle rejoint l’URSS : Yalta et la mer Baltique. Deux ans de suite, c’est dans des camps de jeunesses communistes qu’elle va apprendre la langue de Dostoïevski. On imagine la réaction de la famille.

A son retour, elle passe un bac scientifique, elle, la passionnée de littérature. Pas parce qu’elle aime les maths mais parce ses difficultés en sciences la renvoient à son statut de petite fille, « évidemment » destinée aux études littéraires. Elle travaille d’arrache-pied et obtient la mention bien. Elle a 16 ans.

A 17 ans, elle rentre à Ginette à Versailles

Valérie Pécresse, en 1984 au lycée privé Saint-Geneviève, Ginette, à Versailles (Yvelines).
Valérie Pécresse, ici au 2e rang, quatrième en partant de la gauche, en 1984 au lycée privé Saint-Geneviève, Ginette, à Versailles (Yvelines). (©lycée privé Saint-Geneviève, Ginette, à Versailles)

A 17 ans, elle arrive à Versailles, devient pensionnaire du lycée privé Saint-Geneviève (Ginette), dans une classe préparatoire avec 80 % de garçons.

« C’était une élève parfaite : très intelligente, très travailleuse. Elle travaillait avec jugement et discernement. Elle excellait dans le genre de travail qu’on demande à une élève en classe préparatoire : avoir une culture assez vaste et personnalisée et pouvoir mettre le doigt sur les problèmes. »

Denis Acker, son professeur de philosophie.

Son professeur retient d’elle « sa capacité de concentration », son « intelligence vive » et « son jugement formé pour être prêt à la vie en entreprise »

A Ginette, Valérie Roux choisira Le Musée imaginaire d’André Malraux, comme livre de chevet. Toujours l’auteur des Antimémoires qui la suit comme un ange-gardien. Comme un clin d’œil à son grand-père.

Après Versailles, en 1985, elle intègre HEC (Ecole des hautes études commerciales). Elle a 18 ans. Elle sortira major de la filière finances. Elle s’apprête comme tous ses camarades de promo à partir pour Londres, rejoindre une banque d’affaires. Mais durant un stage d’été, dans une banque à Paris, elle change de voie.

Elle intègre l’ENA (Ecole nationale d’administration). Encore un monde au milieu des hommes. Elle expliquera : « On m’appelait Jeune et Jolie. »

A sa sortie, elle est deuxième de la promotion Condorcet. Maître de requête au Conseil d’État, elle passe un entretien de recrutement au Centre national de la cinématographie (CNC). Lors de l’entretien, elle indique qu’elle est enceinte de trois mois. On ne la rappellera pas. Un sentiment de ne pas être acceptée.

La fameuse rencontre avec Chirac

On connaît la suite : elle rencontre Jacques Chirac en 1994, elle a bientôt 27 ans. Il est au plus bas dans la campagne présidentielle face à Balladur, donné gagnant. Cette première rencontre puis la lettre qu’elle envoie à l’Elysée en 1997 avec l’envie de travailler avec lui. Il accepte.

Chez Chirac, elle est chargée de prospectives puis d’Internet. Lui faire découvrir l’ordinateur, la souris. Le fameux mulot. Les deux échangent sur la Russie, le Japon. Lui est passionné de sumo. Elle parle le japonais. Il l’enverra dans les Yvelines pour les législatives de 2002, dans la 2e circonscription, au moment où Franck Borotra souhaite prendre du recul.

« Elle est venue me voir dans ma permanence. A l’époque, elle n’était pas très à l’heure. On lui pardonne parce que c’est Valérie Pécresse. Elle s’est beaucoup améliorée sur ce point », se souvient Gérard Larcher.

Joël Loison, alors maire de Vélizy-Villacoublay, une ville près de Versailles, située sur la circonscription de la candidate, n’en a pas gardé que de bons souvenirs qu’il relate dans un livre L’ambition pour moteur qu’il a publié en décembre 2021.

« Au départ, j’avais une opinion favorable. Elle parlait peu et écoutait beaucoup. Une fille intelligente, ouverte. On voulait changer de génération de politique. Mais après coup, on s’est aperçu qu’on avait retrouvé quelqu’un au service de sa carrière. »

Joël Loison, ancien maire de Vélizy-Villacoublay

La critique est cinglante, aigre. Il faut dire que le maire de Vélizy de l’époque verra venir, trop tardivement, dans les bagages de Valérie Pécresse, Pascal Thévenot, la figure du renouveau… qui le remplacera.

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« Quand le téléphone sonnait à 2h du matin, c’était Valérie qui appelait. Elle venait d’avoir encore une idée », se souvient justement Pascal Thévenot, l’actuel maire de Vélizy. « Nous parcourions la circonscription, la voiture remplie de chocolat noir. Il y en avait partout ! », sourit-il.

Lors du scrutin, elle terrassera finalement le général Morillon (UDF), son adversaire de la législative, qui n’atteindra même pas le second tour.

Les postes s’accélèrent

Députée sous les couleurs de l’UMP, elle sera par la suite porte-parole de Luc Chatel, puis nommée ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en 2007 sous Nicolas Sarkozy.

En 2011, elle remplace Christine Lagarde comme ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat.

Réélue députée des Yvelines en 2012, elle emporte, trois ans plus tard, la présidence de la Région Ile-de-France. Lors de la campagne très rude des régionales, elle sera encore confrontée à ce sexisme qu’elle dénonce. En décembre 2015, son adversaire, le PS Claude Bartolone insiste : « Je ne veux pas d’une Ile-de-France avec un serre-tête ! »

Il dira d’elle, qu’elle « défend Versailles, Neuilly et la race blanche ». Des attaques d’une violences inouïe qui feront basculer le scrutin en faveur de la candidate LR.

« Je me suis fâché fort. Ces attaques la désignant comme ultra-conservatrice, ça ne peut pas passer. Faire croire qu’elle aurait été la représentante des Blancs, une espèce de Versaillaise comme s’il y avait une faute d’être Versaillais. Versailles est important pour notre département des Yvelines. Versailles, c’est important dans notre pays. Courageuse, Valérie a tenu…»

Gérard Larcher, président du Sénat

« On ne réduit jamais quelqu’un au lieu où il habite », explique le maire de Versailles qui connaît bien les clichés autour de sa ville.

Versailles, la ville où s’est installée Valérie Pécresse avec son époux Jérôme et ses trois enfants, Baptiste (25 ans), Clément (24 ans) et Emilie (18 ans). Un couple que l’on croise souvent pendant les représentations théâtrales du Mois Molière, en juin. « Valérie m’appelle : “François, qu’est-ce que tu me conseilles ?”, raconte tout sourire, le maire François de Mazières. Toujours la culture.

En 2016, elle soutient Alain Juppé à la primaire des Républicains. François Fillon l’emporte. Avec le « Pénélopegate », la droite LR va boire le calice jusqu’à la lie lors de la présidentielle de 2017. C’est la première fois où le parti de droite ne se retrouve pas au second tour d’une présidentielle, Valérie Pécresse s’éloigne des Républicains.

Un grand-écart dans les idées : le mystère Pécresse

En 2019, elle les quitte, après les élections européennes où la droite fait son pire score à une élection (8,48%).

Elle trouve surtout le discours de Laurent Wauquier, le nouveau patron des LR (ex-UMP), trop à droite. Elle fonde le mouvement Libres !, pour une droite ferme et humaniste.

Les causes d’un départ qui étonnent aujourd’hui quand, dans son rassemblement de Bercy de février, elle parle de « Français de papier » et de « grand remplacement ».

Le sénateur socialiste du Val-d’Oise, Rachid Temal, coordinateur national PS en 2017 s’interroge aujourd’hui : « Il y a un mystère Valérie Pécresse. C’est une opportuniste ? Quelqu’un qui a réécrit son engagement ? Est-ce qu’elle est Chiraquienne ? Filloniste ? Ciottiste ? Ce grand-écart ne peut pas durer. »

En 2021, sa réélection, plus facile, à la tête de la Région Ile-de-France avec près de 46% des voix lui fait passer un cap. « Elle va démontrer à la Région qu’elle peut changer le cours des choses », disent plusieurs membres de son équipe de campagne, Othman Nasrou et Alexandra Dublanche.

Car à la Région, elle s’entoure de ces jeunes élus aux CV impressionnants. Othman Nasrou est nommé numéro deux du conseil régional Ile-de-France. Il fait partie de ses porte-paroles. « Elle m’a donné ma chance. Sans elle, je ne serai pas engagé aujourd’hui. J’étais le benjamin du groupe à la Région. »

« Valérie n’est pas à la recherche de la lumière à tout prix. Ce qu’elle veut, c’est résoudre les problèmes. Cette image de distance qu’elle aurait à la télévision ? Ce n’est pas elle. Il y a de la pudeur. Elle protège sa famille. »

Alexandra Dublanche, coordinatrice de ses comités de soutienVice-présidente de la Région Ile-de-France

Quelle image en garder ?

Reste alors ces questions. Quelle image d’elle auront les électeurs au moment d’aller voter le 10 avril 2022 ? Celle qui brigue, pour la première fois, la plus haute fonction politique du pays, se remettra-t-elle de son échec au rassemblement de Bercy ?

A force de travail, avec intelligence, elle a pu emporter, jusque-là, des combats jugés très difficiles. Ici, la marche est la plus haute de toutes. La cuirasse d’intellectuelle qu’elle s’est forgée est très solide. Mais lui suffira-t-elle ?

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