Aller à la gare pour travailler, mais pas pour prendre le train. C’est la tendance déjà initiée dans de grands villes françaises comme Paris, Bordeaux ou Lyon. Le concept arrive dans le Sud, avec un premier espace de 185 m² inauguré ce jeudi 19 mai à la gare de Salon-de-Provence. A l’origine du projet, la société Provence Services, et ses deux co-fondateurs Benoît de Beauregard et Arnault de Lambilly. En 2021, les associés ont remporté un appel à projet de Gares et Connexion – filiale de la SNCF en charge de l’aménagement des gares – dans le cadre du dispositif “1001 gares” (aujourd’hui “Place de la gare” ) qui a pour but de redynamiser ces espaces. A première vue, le concept peut étonner : on reconnaît certes une tendance aux espaces de coworking, mais pourquoi une gare, plutôt qu’un autre endroit, s’y prêterait-elle ? « Une gare offre énormément d’espace vacant, à moindre prix », explique Benoît de Beauregard, contacté par Gomet’.

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Benoît de Beauregard, co-fondateur de Provence Services avec Arnault de Lambilly (crédit : JRG)

Autre avantage : « l’objectif de la SNCF, qui exploite les gares pour le compte de l’Etat, n’est pas la recherche du profit : l’intérêt pour eux est que la gare soit entretenue et rénovée, ce qui est le cas avec ce projet ». Provence Services dispose ainsi d’un bail longue durée de dix-huit ans, qui incombe une redevance de 500 euros par mois. Le coût des travaux ? 160 000 euros, dont 70 000 financés par la SNCF elle-même qui, en tant que délégataire de l’Etat dans la gestion des gares, se doit d’assurer la sécurité des infrastructures. Chaque année, la SNCF consacre en effet vingt millions d’euros à la rénovation des gares.

Plus qu’un coworking, un lieu de vie

Lorsqu’il co-fonde Provence services, en juin 2021, avec son associé Arnault de Lambilly, la vocation première n’est pas le coworking mais la prestation de services pour le compte d’entrepreneurs ou collectivités publiques : études de marché, gestion des tâches administratives et comptables … « Comme du secrétariat externalisé », résume Benoît de Beauregard. C’est à l’occasion d’un appel à projets sur la gare de Salon-de-Provence à l’initiative de Gares et Connexion – que l’idée germe. « Nous cherchions justement des locaux à occuper pour notre activité. Or, l’espace proposé dans la gare – 185 m² – était beaucoup trop grand pour nous. C’est de là que l’idée est venue de mettre l’espace à disposition d’autres personnes. » Du côté de Gare et Connexion, c’est un grand oui. Les deux associés s’improvisent alors à la fois chefs de chantier, bricoleurs, et même décorateur d’intérieur pour concevoir le futur lieu de A à Z. Dix-huit mois plus tard (les deux associés mûrissent le projet depuis 2020, avant même la création de Provence Services), l’espace de coworking de la gare ouvre ses portes, le 11 avril 2022, et est inauguré le 19 mai. Plusieurs occupants s’y fréquentent, de secteurs divers, mais tous issus de petites structures indépendantes. Provence Services y a elle-même implanté son siège : « au final, c’est presque comme une colocation », souligne Benoît de Beauregard

Et même plus : aujourd’hui, Provence Services vise la certification Qualiopi pour permettre à ses locataires d’avoir accès à des formations. « Ce sont des indépendants, qui n’ont donc pas accès à ce droit. Avec la qualification, nous, Provence Services, seront en mesure d’avoir accès aux fonds publics permettant de proposer ces formations à nos locataires. » C’est donc un peu plus qu’un coworking qu’a imaginé Provence Services : « notre objectif, c’est que nos locataires aient accès à tous les services dont ils ont besoin », résume Benoît de Beauregard.

Des projets sur les rails Aix et Marseille

« Il a fallu du temps pour ouvrir le concept à Salon : construire dans une gare implique des contraintes spécifiques qui rendent le processus plus long. Par exemple, il ne faut pas que le chantier gêne la circulation des trains, installer des issues de secours spécifiques via une passerelle qui donne directement sur les quais … » relate le co-fondateur de Provence Services. Des difficultés qui n’ont pas mis un frein à leur motivation. La preuve : un nouvel espace de coworking doit voir le jour début 2023 à la gare d’Aix-en-Provence. Cet espace, plus spacieux – 500 m² -, pratiquera des tarifs plus onéreux, mais le concept de La Gare – Coworking reste le même : « accueillir nos locataires dans un espace convivial, avec du café et des croissants à proximité, où ils peuvent également recevoir leurs clients». Des phones box – où il est possible de téléphoner tranquillement – et des salles de repos seront également prévus dans ce futur espace de coworking. Les travaux ne démarreront qu’en juin, mais le futur espace de coworking affiche déjà un taux de réservation à 60%, affirme le co-fondateur de Provence Services.

« Le vrai marché, c’est le bureau fermé, privatisé et surtout flexible »

Benoît de Beauregard

Le projet de Marseille, s’il est sur les rails, doit encore être mûri : « Il s’agit d’une gare très délabré, nous ne savons pas encore s’il faudra raser entièrement le bâtiment ou s’il peut être rénové » révèle Benoît de Beauregard qui reste discret sur l’emplacement concerné. Une chose est sûre : il ne s’agit pas de la gare Saint-Charles, où un espace de coworking exploité par l’entreprise Weréso existe déjà par ailleurs.

A plus long terme, Provence Services envisagent de se développer dans d’autres gares mais pas n’importe lesquelles : « Gares et connexion nous a proposé Avignon, Cavaillon et Gardanne mais nous avons refusé car l’environnement ne correspond pas au projet. Nous sommes en revanche intéressés par Nice, Nîmes, Toulon ou encore Montpellier ».

L’espace de coworking est complété par une offre de bureaux flexibles, privés et fermés (crédit : JRG / Gomet’)

L’espace de coworking imaginé à Salon comporte un espace commun que tout un chacun peut occuper, pour la modique somme de dix euros par jour. Mais le véritable marché, « ce sont les bureaux privatisés, fermés et surtout flexibles. L’open-space est en train de disparaître : non seulement le foncier coûte cher aux entreprises, mais les salariés ne veulent plus s’engager à venir tous les jours, mais venir quand ils le souhaitent. » A Salon, comptez environ 390 euros par mois pour un bureau de 11 m² ( 450 pour 15m²), mais il est également possible de louer un bureau pour la journée uniquement, aux alentours de 55 euros. Des tarifs amenés à grimper sur le futur site d’Aix où les bureaux seront plus spacieux ( entre 19 et 40 m² soit un tarif entre 800 et 1000 euros par mois).

Quand les collectivités locales se tournent vers le coworking …

Même les collectivités publiques s’y mettent : en plus de développer ses propres espaces, Provence Services conseille les maires du territoire qui souhaitent créer un lieu de coworking dans leur commune, comme c’est le cas à Alleins, par exemple. « L’objectif est d’inciter les travailleurs à rester sur place. Un médecin, par exemple, préfèrera partager des locaux avec d’autres personnes plutôt que de courir à Aix ou Marseille pour trouver une location » illustre Benoît de Beauregard. « C’est différent de travailler avec un acteur public car ce sont des fonds publics qui sont utilisés ».

Avec Aix et Salon, ainsi que ses activités de prestation de service qu’elle poursuit en parallèle, la start-up devrait atteindre les 270 000 euros de chiffre d’affaires au mois d’août 2023, selon ses prévisions – contre 80 000 euros en 2022. Jusqu’alors, le chiffre d’affaires permettait de financer l’activité et les travaux. Avec cette deuxième gare, elle pourra enfin devenir rentable pour les deux associés, qui envisagent des premiers recrutements notamment pour encadrer les coworking de Marseille et Aix.

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