[Mis à jour le 22 décembre 2021 à 16h37] L’après-fêtes et la rentrée de janvier 2022 sera-t-elle marquée par un nouveau recours massif au télétravail ? La ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion Elisabeth Borne a lancé un appel ce mercredi 22 décembre au micro d’Europe 1. Deux semaines après avoir annoncé la tenue de nouveaux contrôles dans les entreprises pour fixer une « cible à deux à trois jours de télétravail », la ministre semble vouloir accélérer, confrontée à la hausse des contaminations et à l’arrivée du variant Omicron sur le sol français.
Jugeant indispensable le renforcement du télétravail à la rentrée le 3 janvier, elle évoque désormais « une cible de trois jours minimum pour les postes qui le permettent, voire quatre jours quand c’est possible », avant d’ajouter : « C’est clair qu’avec la situation, il faut accélérer, renforcer le télétravail ». Le gouvernement ne se prononce pas en revanche sur la question de nouvelles mesures contraignantes pour pousser les entreprises à mettre en place le télétravail, assurant que des contrôles sont réalisés, à hauteur de « 5000 contrôles par mois ». Sur LCI le 7 décembre, Elisabeth Borne appelait déjà « au dialogue social au sein de chaque entreprise ».
La dernière version du protocole Covid en entreprise sur le télétravail, disponible sur le site du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, date du 8 décembre 2021. Il est applicable depuis cette date. Il recommande « l’organisation d’un échange dans le cadre du dialogue social de proximité sur la mise en place ou le renforcement des mesures sanitaires au sein de l’entreprise est d’autant plus essentielle (ex : étalement des horaires ; flux de circulation ; mise en place du télétravail etc.) ». La justification du ministère est la suivante : « Le télétravail est un mode d’organisation de l’entreprise qui peut participer à la démarche de prévention du risque d’infection au SARS-CoV-2 et permettre de limiter les interactions sociales aux abords des lieux de travail et sur les trajets domicile travail. » Enfin, ce protocole indique les modalités de la mise en place du télétravail dans l’entreprise : « L’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail constitue un cadre de référence utile pour sa mise en œuvre. A ce titre, les employeurs fixent dans le cadre du dialogue social de proximité, les modalités de recours à ce mode d’organisation du travail en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail ». De son côté, le gouvernement précise, sur son site, que, « dès lors que cela est possible, 2 à 3 jours de télétravail seront recommandés par semaine ». Le gouvernement se réserve le droits de faire évoluer cette incitation vers une obligation : « Si cet objectif n’est pas atteint, des obligations pourront être envisagées dans le futur ».
Sur son site, le gouvernement précise, à la date du 6 décembre 2021, que, dans la fonction publique, sont visés trois jours de télétravail.
Le télétravail peut-il devenir une obligation pour les entreprises ? Au cours des successifs confinements et autres mesures prises tout le long de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement n’a jamais inscrit aucun texte sur le télétravail dans la loi. Il n’est donc jamais devenu obligatoire à proprement parler. Comme l’avait indiqué le Conseil d’Etat dans un avis daté du 19 octobre, le protocole anti-Covid n’a jamais eu force de loi. En outre, ni la loi, ni le Code du travail n’ont été modifiés en vue du reconfinement. L' »obligation » de télétravailler avait seulement été inscrite par l’exécutif dans des « protocoles sanitaires », qui sont « un ensemble de recommandations » sans valeur juridique. Ainsi, l’inspection du travail ne possède que peu de levier d’intervention si elle doit faire face à une entreprise ne souhaitant pas appliquer le télétravail – du moins, tant que l’obligation de télétravail n’est pas inscrite dans le Code du travail.
Aujourd’hui, outre le protocole en entreprise, c’est le Code du travail qui fixe la règle en matière de télétravail (articles L1222-9 à L1222-11 du Code du travail). Qu’il soit occasionnel ou régulier, ce dernier doit être décidé via un « accord collectif » ou « dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur, après avis du CSE ». Faute d’accord de ce genre, le salarié et l’employeur peuvent formaliser un accord par tout moyen. L’employeur peut refuser d’accorder le télétravail à un salarié mais doit motiver sa réponse.
Un employeur peut donc aujourd’hui tout à fait refuser une demande de télétravail d’un salarié. Dans un document diffusé au moment du déconfinement, le ministère du Travail précisait néanmoins que ce refus devra être « motivé ». « Depuis le 17 mars et jusqu’à nouvel ordre, le télétravail doit être systématiquement privilégié. L’employeur doit donc démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable au fonctionnement de l’activité », indiquait alors la fiche. L’employeur doit en outre garantir depuis le déconfinement que « les conditions de reprise d’activité sont conformes aux consignes sanitaires » sur le lieu de travail. Avec le reconfinement et le discours désormais très clair du gouvernement en faveur d’un télétravail total, sa responsabilité en cas de refus pourrait être engagée.
S’il peut refuser le télétravail, l’employeur a aussi le pouvoir de l’imposer à ses salariés. C’est notamment possible, selon le Code du travail, en cas de « circonstances exceptionnelles ». Un motif qui peut aisément être invoqué pour le coronavirus et le confinement. L’article L. 1222-11 du Code du travail mentionne d’ailleurs explicitement le « risque épidémique » parmi les motifs pouvant justifier le recours au télétravail. Et ce sans même l’accord du salarié.
En outre, l’article L4121-1 du Code du travail exige que l’employeur prenne « les mesures nécessaires pour protéger la santé de ses salariés
». Cela peut passer par le télétravail, par la mise à disposition de masques et de gel, par la fermeture de la cafétéria, par un décalage des horaires, etc. Si des manquements sont observés, une mise en demeure peut être infligée à l’employeur, qui
se voit sommé d’appliquer le télétravail. S’il ne le fait pas, il risque une sanction.
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