Ne boudons pas notre plaisir. En matière d’optimisme, les planètes sont alignées. D’un côté, les entreprises françaises sont plus de la moitié (55 %) à juger leur situation “meilleure” ou “bien meilleure” que l’annonçaient leurs prévisions, selon le dernier rapport (juin 2021) du leader de l’assurance Willis Towers Watson. Au point qu’un tiers d’entre elles prévoient un plan de recrutement renforcé dans les douze prochains mois. De l’autre côté, les salariés expriment un regain d’entrain depuis le retour progressif au bureau en septembre dernier. Selon l’indice Qualité de vie au travail et au télétravail, mesuré par la Fabrique Spinoza, l’Institut Think et Norstat, leur plaisir à travailler s’est accru de 7 points depuis la période de flottement d’avant le troisième confinement. Leur sentiment de disposer de plus de liberté a, lui, gagné 12 points ! La guerre des talents a fait basculer le rapport de force à l’avantage des actifs. Revue des bonnes raisons de voir la vie en rose en 2022.

La première ? Notre relation au travail s’est radicalement modifiée avec la pandémie. “Exercer son job en partie à distance est devenu le nouveau normal”, prévient Luc Bretones, cofondateur de NextGen Enterprise. Les dirigeants qui espéraient siffler la fin de la récré après les confinements se sont ravisés. Il est vrai que, faute de souplesse de la part de leur employeur, 25 % des salariés envisagent tout simplement d’en changer, avertit une étude McKinsey, synthétisée dans le baromètre Aneo-Holaspirit de l’Entreprise Nouvelle Génération.

Les télétravailleurs réguliers – en moyenne deux jours par semaine – sont plus épanouis que les autres. “Leur indice de qualité de vie au travail est supérieur de 7 points à celui des collaborateurs en présentiel”, souligne Alexandre Jost, fondateur de la Fabrique Spinoza. Ils sont aussi plus productifs, comme l’a calculé Microsoft sur la base d’un temps de trajet réduit, d’horaires flexibles et de l’adoption d’outils collaboratifs. Leur bureau annexe de prédilection ? Le domicile, plébiscité par 92 % d’entre eux.

Avec un bémol : une fatigue musculaire liée à la mauvaise ergonomie de leur poste de travail. Soucieux de confort à domicile, les employeurs commencent à proposer des solutions, comme Jean-Daniel Guyot, cofondateur de Memo Bank, qui a ouvert à chacun de ses 54 salariés une ligne de crédit chez Fleex, plateforme de matériel de bureau en ligne, pour s’équiper à domicile.

Pour répondre à notre aspiration croissante à l’autonomie et au bien-être, certains pionniers expérimentent aussi le temps flexible. C’est le cas de Novo Nordisk, au Danemark. Chez ce spécialiste du traitement contre le diabète, les horaires de début et de fin de journée sont choisis par chaque salarié tant que cela reste bénéfique à l’organisation. Vertueux, si l’on en croit une récente étude de Gartner (avril 2021) : les entreprises qui s’engagent dans cette direction voient 55 % de leur personnel devenir très performant.

“Le travail, autrefois centré sur le bureau, l’est aujourd’hui sur l’expérience collaborateur”, décrypte Nadine Yahchouchi, directrice M365 chez Microsoft France. Que viendra-t-on chercher dans les locaux de l’entreprise ? De la collaboration et du travail en équipe, répondent 83 % des sondés de l’enquête NextGen, des relations informelles (77,5 %) mais aussi de la concentration pour 45 % des répondants. Nous basculons dans l’ère du sur-mesure. Cette organisation hybride a des conséquences sur le rôle du dirigeant, désormais prié de piloter par objectifs, et dans la confiance. Chez Aneo, cabinet de conseil, on a fait éclater la fonction du manager en lui retirant son pouvoir de sanction et d’évaluation, deux fonctions désormais gérées par des dispositifs collectifs. Le manager se concentre sur une seule mission : faire grandir ses équipes.

Les soft skills sont plus que jamais valorisées. Bonne nouvelle car, quel que soit votre niveau hiérarchique, “on ne cherche plus votre conformité à une fiche de poste, obsolète dès le premier jour, mais votre aptitude à développer un talent au profit du collectif”, observe Luc Bretones, selon qui l’entreprise nouvelle génération est en perpétuelle recomposition, sous l’impulsion du corps social. On y travaille en mode projet, dans des équipes cellulaires. On y privilégie des “profils en T” : dotés, bien sûr, de compétences “verticales”, mais aussi capables de bosser en mode transverse. Ce qui prime désormais pour une entreprise ? Votre singularité, jusque dans vos expériences hors champ professionnel. Votre authenticité, “génératrice d’engagement, donc de performance»”, souligne Sébastien Hébert, manager chez Balthazar, cabinet de conseil en innovation managériale.

Une récente enquête du site d’emploi Monster révèle que 57 % des recruteurs aimeraient recevoir des CV exprimant davantage la personnalité du candidat. “On veut sortir des standards, confirme Laurent Giunta, responsable éditorial chez Monster. L’esprit critique, la curiosité, la flexibilité, l’adaptabilité sont les compétences les plus recherchées, quand la technique souffre d’obsolescence rapide et que de nouveaux métiers émergent sans cesse.”

Les confinements nous ont aussi donné le temps de l’introspection. Passer plus de temps avec ses proches, travailler au vert, s’autoriser à exprimer ses émotions même au boulot, faire quelque chose d’utile à la société : “Ces aspirations ne sont plus l’apanage de la jeune génération mais de l’ensemble des actifs”, observe Anaïs Georgelin, fondatrice de SoManyWays, dont la vocation est d’accompagner les transitions professionnelles. Sa structure n’a jamais autant reçu de demandes de formation des managers sur le sens au travail. S’inspirant de la “raison d’être” des entreprises, le consultant Sébastien Hébert suggère de s’interroger, en tant que salarié, sur sa propre “mission managériale”. L’opportunité de faire tomber le masque pour ne plus se couper de soi-même au travail.

Selon la huitième vague du baromètre Empreinte Humaine sur la santé psychologique des salariés (octobre 2021), 58% d’entre eux disent avoir changé leurs priorités, 47% ont donné une nouvelle orientation à leur vie, cédant au désir de reconversion, et 35 % des télétravailleurs ont déménagé. Quand Memo Bank s’est convertie au “full remote”, certains de ses cadres sont partis s’établir en Ardèche et en Corse. Même migration vers la province observée chez Imfusio, cabinet parisien de conseil en management. Cet élan n’a pas échappé à la SNCF qui propose depuis septembre un abonnement attractif, “Mon forfait annuel télétravail”, pour ceux qui font la navette entre leur nouvelle terre d’élection et le siège de leur boîte. Signe des temps, les offres d’emploi se tassent en Ile-de-France au profit des villes moyennes telles que Tours, Angers ou Vannes, selon les statistiques d’HelloWork. La “démétropolisation” de l’emploi est en marche. La reprise du contrôle de nos vies aussi. Largement de quoi être optimiste.

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