Un ou deux jours, des règles inscrites dans des conventions collectives ou des lignes directrices flexibles, avec des frais parfois pris en charge par l’entreprise, et la possibilité ou non de télétravailler depuis son lieu de vacances: tour d’horizon des règles de télétravail d’après-crise au sein des cabinets de Big Four, des plus gros employeurs du pays, et des entreprises qui s’étaient déjà avancées sur la mise en place d’un home office post-Covid.

À partir du 1er juillet, il en sera 
fini du télétravail illimité pour les frontaliers
. Les Français doivent se limiter à 29 jours par an, les Belges à 34 et les Allemands à 19, du moins s’ils ne veulent pas payer d’impôts sur le revenu dans leur pays de résidence. Les accords gelant ces quotas en raison de la crise, régulièrement renouvelés depuis mars 2020, ne le seront plus après le 30 juin, a annoncé le ministère des Finances.

Une autre règle, européenne cette fois, limite le télétravail des frontaliers à 25% de leur temps presté. Sinon, ils retombent sur la sécurité sociale de leur pays de résidence. Quota lui aussi gelé pendant la crise et jusqu’au 30 juin. Même si, depuis,
on a appris qu’une tolérance serait appliquée jusqu’à la fin d’année.

Paperjam a donc interrogé les dix plus gros employeurs du pays, les cabinets qui constituent les Big Four, ainsi que certaines entreprises qui avaient indiqué ne pas envisager de revenir à la situation d’avant-crise concernant le télétravail, pour savoir quelles règles s’appliqueront pour leurs salariés à partir du 1er juillet. Au moment de répondre, la plupart des employeurs n’avaient pas encore connaissance de la tolérance qui était appliquée en ce qui concerne la sécurité sociale. 

De zéro à deux jours chez les 10 plus gros employeurs

Post (4.620 salariés)

Post a inscrit dans un avenant à sa convention collective de travail la possibilité, pour les personnes dont la fonction le permet (environ 50% de l’effectif), de travailler depuis leur domicile jusqu’à 20% de leur temps – soit un jour par semaine. Les frontaliers peuvent donc, s’ils le souhaitent, dépasser leur quota fiscal. La mesure ne permet cependant pas de prendre tous ses jours en une fois, même si des aménagements sont possibles en accord avec le supérieur hiérarchique.

L’entreprise a mis en place un «système informatique qui permet de suivre les quotas en temps réel et d’envoyer des alertes à différents seuils pour permettre aux collaborateurs et à leurs N+1 de ne pas se retrouver au pied du mur» pour les frontaliers, précise Isabelle Faber, directrice des ressources humaines. En plus d’un système de pointage à distance.

Au niveau de la prise en charge des frais, Post cite l’équipement informatique. Le reste (électricité, connectivité…) étant à charge du salarié.

Concernant la distance, le télétravail est possible «au domicile du collaborateur ou dans un lieu privé qui se situe à bref délai, soit à un maximum de 3h de trajet de son lieu de travail habituel». Ce lieu privé doit se trouver dans le pays de résidence de la personne, qu’il s’agisse d’un résident luxembourgeois ou d’un frontalier.

CFL (4.580 salariés)

Seulement 800 postes sont télétravaillables aux CFL. Pour ces derniers, la règle post-Covid du télétravail est en place depuis octobre 2021, avec quelques interruptions liées aux rebonds. Elle est de nouveau d’application depuis le 1er avril 2022. Les salariés ont ainsi droit à deux jours de télétravail par semaine de cinq jours. Ce quota passe à un jour pour les personnes à temps partiel, qui travaillent quatre jours par semaine. Celles travaillant seulement trois jours par semaine doivent venir à 100% au bureau.

Deux jours par semaine, cela dépasse largement les quotas fiscaux et de sécurité sociale pour les frontaliers. «Libre à eux d’aller au-delà de la limite fiscale», précise Yves Baden, responsable des ressources humaines. «L’impact financier est de la responsabilité du salarié.» En revanche, ils doivent se limiter aux 25% de sécurité sociale.
Sinon, cela représente des frais supplémentaires pour eux comme pour leur employeur.

Les employés peuvent demander leurs jours de télétravail sur un logiciel spécifique. Ce dernier rappelle combien de jours ont déjà été pris, ce qui permet aux frontaliers un suivi de leurs quotas, même si aucun système d’alerte n’a pour le moment été mis en place.

Les frais de télétravail sont à la charge du salarié. Pour la distance, les CFL se limitent à la Grande Région.

Cactus (4.460 salariés)

En février dernier
, Cactus assumait sa décision de ne pas permettre de télétravailler par solidarité pour la grande partie de son effectif dont les postes demandent une présence sur le terrain. «Notre position sur le télétravail reste inchangée», redit l’enseigne de grande distribution, interrogée dans le cadre de cet article.

Dussmann (4.390 salariés)

Dussmann n’a pas répondu aux sollicitations de Paperjam.

BGL BNP Paribas (4.050 salariés)

BGL BNP Paribas a établi une «convention cadre» en accord avec ses partenaires sociaux. La règle, pour ceux dont le poste le permet: maximum deux jours de télétravail par semaine. En revanche, les frontaliers doivent respecter les seuils fiscaux de leur pays de résidence.

L’application sur laquelle les salariés enregistrent leur temps de travail a été adaptée pour qu’ils puissent y ajouter leurs jours de télétravail. Les coûts de connexion et de communication liés au home office sont pris en charge par la banque via un forfait mensuel.

Le télétravail n’est possible que depuis «l’adresse du domicile que le collaborateur a déclarée, dans un périmètre limité aux pays frontaliers».

ArcelorMittal (3.660 salariés)

Chez ArcelorMittal, un accord signé avec les partenaires sociaux en novembre 2021 prévoit, pour les quelque 1.000 postes éligibles au télétravail, un maximum de deux jours par semaine à domicile, pour les résidents comme les frontaliers, responsables s’ils veulent dépasser leurs limites fiscales.

Il peut se faire uniquement «à partir de son domicile déclaré comme résidence officielle». Des exceptions sont possibles avec accord du N+1, mais seulement depuis un autre lieu de résidence en Belgique, en France, en Allemagne ou au Luxembourg, et à condition d’en donner l’adresse précise.

Toute demande de télétravail est entrée dans un système RH et soumise à l’approbation du N+1. L’accord prévoit également une compensation pour la prise en charge des frais par jour à la maison, dont le montant n’est pas communiqué.

Goodyear (3.570 salariés)

L’entreprise reste très vague, mais assure offrir à ses salariés dont le poste le permet la «possibilité de travailler de manière hybride (home office et présentiel) sur la base d’un accord écrit et en application de la législation luxembourgeoise en vigueur».

Amazon (3.280 salariés)

Amazon n’a pas répondu aux sollicitations de Paperjam.

PwC (2.980 salariés)

Chez PwC, «à partir du 1er juillet, nos employés devront travailler au moins un jour par semaine depuis l’un de nos bureaux». Les non-résidents devront quant à eux «respecter les règles de sécurité sociale et les règles fiscales de leur pays de résidence, ce qui signifie qu’ils devront travailler quatre jours par semaine depuis le Luxembourg», précise la société d’audit. «Nous avons agrandi nos bureaux satellites. Nous en avons déjà ouvert un à Mondorf et sommes prêts à en ouvrir deux nouveaux en juillet. Un à Dudelange, principalement pour les résidents français, et un à Pétange pour les résidents belges et français.» Concernant les modalités, les employés doivent «obtenir l’approbation orale du chef d’équipe pour assurer une bonne organisation du travail». Une indemnité forfaitaire sera mise en place à partir du 1er juillet pour compenser une partie des frais liés au télétravail.

Le cabinet prévoit également la possibilité de télétravailler depuis son lieu de résidence à l’étranger entre le 1er juillet et le 30 septembre, à condition que le type de travail et la connexion sur place le permettent, que l’employé respecte les règles fiscales et de sécurité sociale et qu’il ait reçu les autorisations préalables de ses équipes (ressources humaines, responsable d’équipe). «Nos employés doivent déclarer où ils travaillent et les dates concernées.» Ce télétravail estival se limite à une semaine pour les non-résidents et à deux semaines pour les résidents.

Luxair (2.840 salariés)

Comme Cactus, Luxair applique une politique zéro-télétravail. «Seule une minorité de notre personnel serait éligible. En tant qu’‘airline’, nous privilégions la présence physique et exigeons que nos réunions avec des externes et fournisseurs se passent au maximum chez nous ou chez eux», ajoute son CEO,
Gilles Feith.

Formules flexibles dans certains Big Four

Deloitte (2.180 salariés)

Pas de «modèle à taille unique» chez Deloitte, qui veut proposer à tous ses salariés un «juste équilibre entre présence chez le client, présence au bureau et travail à distance» sans règle inflexible, «hormis les limites fixées par les juridictions dans lesquelles résident nos collaborateurs et les contraintes applicables en matière de sécurité sociale».

KPMG (1.750 salariés)

KPMG mise sur deux à trois jours au bureau par semaine. Là non plus, il ne s’agit pas d’une règle, mais d’une «ligne directrice», relativise
David Capocci
, managing partner. «Chaque leader organise l’équipe selon les besoins. Peut-être que dans certaines lignes de métier, on me dira qu’il faut plus et dans d’autres, qu’un seul jour de présence suffit». La ligne directrice s’appliquera à la fin des accords frontaliers, en attendant «nous sommes plutôt à 50%» de télétravail.

À terme, les frontaliers seront seulement limités par les 25% de sécurité sociale. Une option existe cependant pour ceux qui voudraient télétravailler davantage: démissionner et travailler en tant qu’indépendant. «Je ne suis pas en train de favoriser cela, mais cela pourra répondre aux besoins de certains. J’ai envie d’offrir la palette la plus large.»

Les salariés ont aussi la possibilité de travailler à l’étranger, depuis leur lieu de villégiature par exemple. Pas de limite non plus au niveau des jours consécutifs en télétravail. «Certains groupes auront besoin d’être plus souvent au bureau à une période et plus à la maison à une autre», selon les projets. Peu importe le temps passé en télétravail, KPMG propose à ses salariés (mais pas aux associés), depuis octobre dernier, un forfait de 25 euros par mois pour participer aux frais, montant calculé sur base d’une convention bancaire.

Enfin, l’entreprise aimerait ouvrir des bureaux satellites près des frontières avec la France, la Belgique et l’Allemagne d’ici octobre.

EY (1.460 salariés)

Les règles de télétravail post-Covid sont encore en cours d’élaboration.

Des promesses qui semblent tenues

BIL (1.890 salariés)

En 2020, la BIL promettait de ne «pas revenir à une ancienne normalité» après la crise
. Sa politique de télétravail post-Covid prévoit en effet «un quota de 45 jours (au prorata du temps de travail) pour chaque salarié éligible».

Ce quota ne peut être pris en une seule fois, mais se limite à deux jours par semaine. Le télétravail ne peut être exercé «que depuis la résidence principale, située en Grande Région».

Société Générale (1.200 salariés)

Société Générale avait déjà annoncé la signature d’une convention pour deux jours de télétravail par semaine pour ses salariés résidents en octobre dernier
. Les frontaliers belges et allemands peuvent aller jusqu’aux 25% permis par les accords de sécurité sociale. Alors que les frontaliers français doivent pour l’instant se limiter à 29 jours, en raison du prélèvement à la source de leur pays qui a une «portée extraterritoriale», et constituerait donc une charge de travail supplémentaire pour l’entreprise s’ils dépassaient cette limite. La banque assure cependant suivre de près les développements à ce sujet.

Les demandes de télétravail se font via un outil interne. Le télétravail s’effectue depuis le lieu de résidence. Des exceptions sont possibles avec accord du manager, tout en restant au sein du pays de résidence fiscale. Le quota ne peut être pris en une seule fois.

Société Générale se réfère, comme KPMG, à la convention collective des banques pour la prise en charge des frais de télétravail, soit un montant de précisément 26,31 euros par mois.

ING (890 salariés)

La banque promettait elle aussi, en 2020, de faire évoluer le télétravail après la crise
. Ses salariés auront bien droit à un maximum de «deux jours par semaine, ni cumulables ni reportables, dans la limite des restrictions fiscales et de sécurité sociale pour nos employés non résidents».

Les demandes se font par équipe sur un outil de gestion du temps de travail. En plus du matériel informatique, une indemnité de télétravail mensuelle sera offerte à tous les employés une fois la politique de télétravail post-Covid en place. Le télétravail ne se fait que depuis sa résidence principale.

CTG IT Solutions (165 salariés)

En septembre dernier,
l’entreprise informatique se disait en faveur d’un jour de télétravail par semaine.
«Nous avons deux catégories de personnes», rappelle sa directrice des ressources humaines, Stéphanie Hayart. «Les consultants détachés chez le client qui, malheureusement, n’auront pas le choix et devront suivre les directives du client. Pour les autres, nous autorisons le télétravail jusqu’à la limite de la sécurité sociale.» L’entreprise a placé la barre légèrement en dessous, à 45 jours, afin d’éviter des problèmes en cas de dépassement involontaire.

Un outil permet d’entrer ses jours de télétravail de manière informatique. Rien n’empêche un salarié de prendre une semaine entière de télétravail ou de l’effectuer depuis son lieu de vacances, tant qu’il se situe en Europe. En dehors, le système informatique de l’entreprise ne fonctionne pas.

Omnitrust (+/- 20 salariés)

En 2020, Omnitrust projetait «une journée par semaine» de télétravail dans une politique post-crise.
«Finalement, peu de personnes ont fait la demande. Donc nous sommes plutôt sur du cas-par-cas», explique sa directrice, Aurore Calvi. Les jours sont pris en accord avec le N+1. «Nous sommes en train de mettre en place une procédure qui reprend les obligations législatives en termes de télétravail.»

Aucune limite géographique n’est prévue: «Pour certains salariés qui ont rendu visite à leur famille et pris des congés en même temps, nous avons accepté qu’ils aménagent leurs horaires en télétravail et tout s’est très bien déroulé», illustre-t-elle. «Nous sommes très flexibles.»

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