Le télétravail, loin d’être une contrainte sanitaire perdure et perdurera. Ses formes, nouvelles se dessinent en prenant en compte les leçons des deux dernières années. Il faut bien un lieu dédié au travail, et seulement au travail pour être efficace et serein dans son job, mais ce lieu n’est plus naturellement au siège de la société. Hugues Parant, directeur de l’établissement public Euroméditerranée, en tant qu’aménageur, doit penser le temps de construire, ce qui sera une demande dans cinq ans et plus. Dans une tribune (*) qu’il accorde à Gomet’, il plaide pour des « escales de travail partagées » au pied des logements neufs, ce qui serait selon lui « une réponse possible aux mutations du travail post-COVID ».

Fantasmé ou redouté avant la pandémie, le télétravail a fait basculer du jour au lendemain la frontière entre vie professionnelle et vie privée en mars 2020. Deux ans plus tard, le constat est simple : la catastrophe annoncée du télétravail au moment du premier confinement n’a pas eu lieu. Au contraire, la société française est prête à poursuivre l’expérience, avec un mix de présentiel et de distanciel, pour plus de flexibilité.

Face à cette tendance, que faut-il mettre en place pour garantir des conditions de travail optimales aux employés qui vont être amenés à travailler depuis chez eux ? Comment rassurer les employeurs qui vont basculer une partie ou la totalité de leurs effectifs à distance, même après la pandémie ?

Demain, le télétravail aura une dimension réglementaire

Demain, le télétravail pourrait avoir une dimension réglementaire à laquelle les travailleurs auront le droit et/ou à laquelle les entreprises compatibles devront souscrire. Ces mêmes entreprises seront responsables des conditions de travail dans lesquelles les salariés exécuteront leurs missions, au bureau ou chez eux. Cette obligation risque de se heurter à la réalité des conditions de logement des télétravailleurs. Les confinements successifs avaient, par essence, une durée limitée dans le temps. Dans les foyers ne disposant pas d’une pièce dédiée, beaucoup ont eu recours à des arrangements pour faire cohabiter, de façon précaire, missions de travail et vie personnelle sur la table de la cuisine ou dans un coin de la chambre. Si le télétravail était appelé à devenir une composante ponctuelle ou essentielle de la vie professionnelle, il faudrait garantir en parallèle des conditions de travail à distance confortables aux télétravailleurs, chez eux.

Le coworking, se déplacera t il au pied des résidences? (Crédit DR)

Missionnés pour penser et construire la ville, les aménageurs imaginent les appartements, immeubles, îlots, quartiers et cités afin qu’ils correspondent et répondent aux besoins et usages qui émergeront cinq ou dix ans après le lancement des programmes immobiliers. Ils ont donc le pouvoir et le devoir de proposer des solutions concrètes aux travailleurs comme aux employeurs, en vue d’améliorer la qualité de vie de tous, liée au travail à distance.

Penser une utilisation plus rationnelle des toits d’immeubles

Ainsi, les aménageurs préparent déjà leurs partenaires et les acteurs de la chaîne immobilière aux évolutions. Pendant le confinement, ils ont par exemple pensé une utilisation plus rationnelle des toits d’immeubles, devenus depuis, partagés et chaleureux. Ils peuvent continuer à transformer les espaces communs afin de rendre le quotidien des citoyens post-pandémie plus agréable et de rendre les programmes immobiliers toujours plus attractifs.

Les classes sociales qui occupent les logements sociaux et moyenne gamme sont celles qui ont le plus besoin d’espaces supplémentaires

Hugues Parant

Au pied des immeubles, j’imagine demain des espaces communs de travail, qui permettront de travailler (presque) depuis chez soi. Les classes sociales qui occupent les logements sociaux et moyenne gamme sont celles qui ont le plus besoin d’espaces supplémentaires et neutres pour délimiter travail et vie professionnelle : des escales de travail partagées.

Des escales de travail dans les quartiers résidentiels

Au printemps 2021, 76% des employeurs affirmaient qu’ils étaient susceptibles de donner une allocation à leurs employés pour leur permettre de travailler à domicile ou dans un espace de co-working, selon une étude WeWork and workplace intelligence. En proposant des escales de travail partagées au pied des logements, dans les quartiers résidentiels, souvent éloignés des coworkings, cafés wifi et autres tiers lieux, la création de tels espaces apporterait une vraie solution à un problème devenu récurrent pour de nombreux Français.

Salon d’accueil dans le Now coworking de Marseille (Crédit Gomet’/JFE)

Concrètement, un collaborateur qui travaillerait dans une escale de travail partagée, quotidiennement ou occasionnellement, aurait la certitude de trouver, dans un voisinage immédiat, un espace avec une connexion wifi suffisante pour ses visioconférences, du matériel confortable et ergonomique, le choix entre un espace de travail partagé ou isolé et la possibilité d’échanger avec une communauté de travailleurs mixte. Selon ses impératifs quotidiens, il ou elle pourrait aller chercher ses enfants dans l’école de son quartier, se rendre à un rendez-vous express dans le centre médical installé à deux rues de son immeuble ou faire une course rapide aux horaires habituellement peu conciliables avec la vie de bureau.

Euroméditerranée anticipe ce qui deviendra une exigence dans un futur proche

Même si la forme et le modèle économique de ces lieux restent à préciser, ces escales de travail partagées pourraient être ajoutées demain aux cahiers des charges des programmes immobiliers, notamment ceux à vocation sociale. Les acteurs de la chaîne immobilière, souvent à l’écoute des innovations pour faire monter en qualité ces logements, seront nombreux à s’intéresser à un tel dispositif. D’un point de vue financier, une collaboration avec les acteurs du marché du coworking, déjà habitués à répondre aux exigences des travailleurs nomades et flexibles, semble adaptée pour proposer des prix en adéquation avec le marché.

En expérimentant les escales de travail partagées sur les immeubles qui seront mis en chantier dans les années à venir, Euroméditerranée anticipe ce qui deviendra une exigence dans un futur proche : la possibilité, pour ceux qui le souhaitent, de télétravailler au pied de son immeuble ou au coin de la rue.

Hugues Parant
directeur général d’Euroméditerranée,
ex-directeur de l’établissement d’aménagement de La Défense Seine Arche
ancien Préfet de région Provence Alpes Côte d’Azur et des Bouches-du-Rhône


(*) Gomet’, attaché à la vitalité du débat local, publie régulièrement des tribunes de contributeurs extérieurs. Ces points de vue n’engagent pas la rédaction.

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