La droite a longtemps cru connaître son plancher électoral : les 8,48% récoltés par François-Xavier Bellamy aux élections européennes de 2019. Impossible de faire pire que le philosophe conservateur, a-t-on souvent pensé chez Les Républicains (LR). Funeste erreur. Donnée sous la barre des 5% – chiffre provisoire – Valérie Pécresse est entrée ce dimanche dans l’histoire de son camp. Elle enregistre le pire résultat d’un prétendant de droite à l’élection présidentielle et plonge son parti dans un abîme d’incertitudes. Avec moins de 5%, LR n’aurait pas le droit au remboursement de ses frais de campagne. Le parti, dont la trajectoire s’apparente de plus en plus à celle du Parti socialiste, est en danger de mort. 

LR n’attendait pas grand-chose de cette soirée. Ce dimanche soir, seuls 200 militants sont présents à la Maison de la Chimie, QG de campagne d’un soir de Valérie Pécresse. Personne ne croit en une qualification au second tour, le seul enjeu est alors de terminer devant Eric Zemmour. “Si on est devant lui, il n’existera plus et on pourra se relancer”, confie un lieutenant de la candidate avant le verdict. L’analyse aura une durée de vie de quelques minutes. A 20 heures, les résultats tombent. Les militants sont sonnés, mais le score de Valérie Pécresse est accueilli avec résignation. La droite n’attendait de rien de cette soirée, mais a néanmoins été déçue. Même la défaite manque de souffle. 

Appel à voter Macron

A 20h15, la candidate prend la parole. Dans une intervention solennelle, elle confesse ne pas avoir réussi à se “libérer de l’étau” formé par Emmanuel Macron et les “extrêmes”. Elle revient sur cette campagne “atrophiée” par les crises et où le vote utile a joué à plein. Puis vient l’épineuse question du second tour. Valérie Pécresse assure qu’elle “votera en conscience” pour le chef de l’Etat pour faire barrage à l’extrême droite. “Son élection conduirait à l’effacement de la France sur les scènes européennes et internationales”, lance-t-elle. 

Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement

Je m’abonne

Dans la salle, quelques “ohh” et sifflets accompagnent cette annonce, avant d’être couverts par des applaudissements. Ce schisme menace le parti. Un bureau politique a été convoqué ce lundi par la direction de LR pour décider de la conduite à tenir au second tour. Il s’annonce tendu. Le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a affirmé sur TF1 qu’il ne voterait pas en faveur du président de la République sortant le 24 avril. 

Mais à chaque jour suffit sa peine. A la maison de la Chimie, peu d’élus déambulent dans la salle. Tous reconnaissent l’ampleur du choc subi par la droite. “C’est une catastrophe électorale, résumé le député LR Julien Aubert. A moins de 5%, on changerait de dimension.” Le moment est venu de l’introspection. Oui, la candidate n’a pas jamais imprimé dans cette campagne. Elle n’a pas résumé son offre politique de manière succincte et ses erreurs de communication lui ont coûté cher. La crise ukrainienne et le réflexe du vote utile ont dévitalisé Valérie Pécresse, qui s’est faite aspirer par Emmanuel Macron. “Les dynamiques prêtées en fin de campagne à Mélenchon ont fait réagir la droite traditionnelle dans un vote stratège en faveur du chef de l’Etat”, admet le député LR Robin Reda. 

Un parti en sursis

Mais la crise traversée par LR est bien plus profonde. L’héritier de l’UMP régresse à chaque présidentielle depuis 2012. La défaite de François Fillon en 2017 n’était pas un accident de l’histoire, mais l’amorce d’une chute dont nul ne peut prédire le terme. LR n’a pas trouvé sa place sur l’échiquier politique depuis l’élection d’Emmanuel Macron. “Cela n’a rien à voir avec Pécresse, juge le numéro 3 du parti Aurélien Pradié. Le problème est notre stratégie des parts de marché électorales, qui consistait à aller gratter chez Macron d’un côté et chez Le Pen de l’autre.” Difficile de donner tort au jeune parlementaire. Obsédé par ses concurrents, LR n’a pas développé une pensée politique autonome depuis cinq ans. Du Macron en mieux ou du Le Pen en plus crédible ne résume pas une offre. “On n’a rien dit de neuf depuis dix ans”, lâche le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. 

L’étau formé par Emmanuel Macron et Marine Le Pen illustre un dilemme interne. De l’intérieur, le parti est tiraillé entre son aile modérée et son aile plus conservatrice. La synthèse des deux est par définition molle, et peine à séduire les électeurs dans un écosystème politique ultra-concurrentiel. “Il y a deux droites. Notre souci est de les réunir. Soit on les transcende avec une personnalité comme Nicolas Sarkozy, soit on n’y arrive pas et on est réduit aux acquêts comme lors des européennes. Les LR, à force de vouloir être le centre et la droite, sont menacés de n’être presque rien.” 

L'Express

Sur le même sujet

L’avenir du parti n’a jamais été aussi incertain. Le duel Macron-Le Pen va raviver les plaies internes. Les législatives s’annoncent douloureuses, au regard du crash de Valérie Pécresse. Comme si cela ne suffisait pas, Eric Zemmour a devancé ce dimanche de deux points la présidente de l’Ile-de-France. La France est peut-être à l’aube d’une recomposition de sa vie politique. Elle risque de s’écrire sans LR. 

Paul Chaulet

Les plus lus

Opinions

Chronique

Les analyses quantitatives sur les génies littéraires, musicaux ou scientifiques, comme celle de Holden Karnofsky, témoignent d'une diminution du nombre de grands hommes et de grandes femmes tels qu'Albert Einstein.Robin Rivaton

Chronique

Les politiques sont tétanisés à l'idée qu'un Français, surtout s'il est jeune, se verrait fermer l'entrée d'un musée.Par Sylvain Fort

Chronique

Vue de l'exposition "Extrudia", consacrée à la sculptrice Anita Molinero.Christophe Donner

Chronique

Déjà en 2021, avant la guerre en Ukraine, le produit de la vente des exportations russes de pétrole et de gaz avait dépassé 240 milliards de dollars, soit une hausse de 60% sur une année.Par Pierre Abadie, Directeur Climat chez Tikehau Capital

Recherche Google News – Cliquez pour lire l’article original

Source Google News – Cliquez pour lire l’article original