La désindustrialisation en France, et désormais la guerre en Ukraine, ont des effets dévastateurs sur l’économie hexagonale, comme l’a souligné le Conseil national de la productivité (CNP) lundi. Mais un enseignement plus optimiste de son rapport a de quoi réjouir les fervents défenseurs du télétravail. Adopté massivement pendant la pandémie, le recours au télétravail a non seulement permis de limiter la baisse du PIB au plus fort de la crise mais il serait également bénéfique à long terme pour la productivité des entreprises françaises, affirme le CNP.

« Les effets du télétravail sur la productivité seraient non linéaires et présenteraient un profil de courbe en U inversé. Même si l’effet net sur la productivité globale du recours au télétravail dans l’après crise Covid reste incertain, on peut s’attendre à un accroissement potentiel des gains de productivité par un recours plus important au télétravail », estiment les auteurs du rapport.

Et de conclure même :

« Une hausse structurelle du taux de télétravail « pourrait finalement aboutir à un gain durable de productivité

Bientôt un quart de télétravailleurs

S’appuyant sur une étude de la Banque de France, le Conseil national de la productivité chiffre ce gain de productivité : « une progression d’un point du pourcentage de salariés en télétravail améliorerait en moyenne la productivité globale des facteurs d’environ 0,45% ».

« Au niveau global de l’économie française, la proportion de télétravailleurs d’environ 5% dans la période pré-Covid passera à 25% à plus long terme,  d’ici à 20 ans » précise Vincent Aussilloux, économiste à France Stratégie. Ce qui engendrerait un gain moyen de productivité de 5 à 9%, calcule le CNP. « Une première estimation, qui mériterait d’être confirmée par d’autres études une fois la situation de télétravail stabilisée », précise toutefois l’organisme.

La satisfaction en hausse

D’autres effets bénéfiques et concrets découlent de la pratique du travail à domicile. Pour les entreprises, il peut ainsi induire « de moindres coûts immobiliers », précise l’économiste. Du côté des salariés, cette organisation hybride du travail (quand le poste le permet), permet aussi de gagner du temps sur le trajet domicile-travail, qui peut être mis à profit pour travailler davantage. Autre avantage, dans les grandes villes notamment où les temps de trajets sont plus longs, le télétravail permet d’améliorer la qualité de vie. Le CNP y voit une « hausse de la satisfaction au travail », qui « est en général source de gains de productivité et d’une rotation des salariés moins forte ».

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Des effets négatifs

Toutefois, pour que le télétravail soit réellement rentable, il ne faut pas négliger les effets négatifs et les défis auxquels les managers sont confrontés au quotidien, note le CNP. Parmi les principaux désavantages cités du télétravail : la baisse des interactions entre salariés. « Lorsque le taux de télétravail dépasse un certain seuil, cela peut aussi réduire les gains d’efficacité, par exemple lorsque cela limite les possibilités d’interactions sociales en face à face », soulignent les auteurs du rapport.

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En cas de formation notamment, le télétravail n’est pas forcément compatible. « Les employés apprennent moins sur le tas. De même, le télétravail ne favorise pas la bonne intégration des nouveaux entrants dans leur emploi. Cela peut constituer un frein à la croissance de la productivité à moyen et à long terme », mettent en garde les auteurs du rapport. Autre difficulté, les relations managers-employés sont souvent moins fluides en distanciel, l’environnement de télétravail est moins innovant et aussi moins créatif, jugent une majorité de managers interrogés. Ce qui peut pénaliser « l’innovation et la croissance de la productivité à long terme », souligne le CNP.

Autre effet induit qui se retournerait contre les télétravailleurs : la « télé-migration ». « Les effets de potentiel dumping, incitant au moins-disant social et fiscal, pourraient affecter la productivité des pays (fuite des cerveaux, et accroissement du pouvoir de négociation des entreprises qui comprimeraient les salaires), mais aussi la compétitivité entre pays ».

Deux et trois jours par semaine

Conclusion du rapport, télétravailler oui, mais avec modération. Et à condition que la pratique soit bien encadrée. Afin « que ses effets positifs sur l’efficacité des travailleurs surpassent les pertes », la fréquence optimale du travail à distance se situerait « entre deux et trois jours par semaine », estime le CNP qui s’appuie sur des recommandations de l’OCDE. Les salariés ne devraient pas trop rechigner : huit télétravailleurs sur dix affirment souhaiter travailler au moins une fois par semaine à domicile.

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