EDITO

Jean Castex réunit ce mardi dans la matinée une commission qui sera chargée, dans un contexte Covid, de travailler sur les conditions dans lesquelles pourra se dérouler la campagne présidentielle. Et ce alors qu’Emmanuel Macron ne s’est toujours pas déclaré. L’éditorialiste politique Nicolas Beytout nous livre son analyse de la situation et décrypte la stratégie du chef de l’Etat.

En pleine fiction

“Le virus et ses différents variants n’ont pas fini de nous étonner. Qui aurait pu prévoir un jour que le Premier ministre s’engagerait à recevoir le créateur d’Espoir RIC, la dirigeante des Animalistes, ou une maire transgenre ou encore le représentant de l’obscur Refondation 2022 pour leur demander leur avis sur l’élection présidentielle ? C’est pourtant ce qui va se passer, tout à l’heure, puisque sont conviés à cette réunion les chefs de partis politiques (ça, c’est habituel), mais aussi tous ceux qui se sont déjà déclarés candidats à l’Elysée (ils sont une trentaine). Au bas mot, ils devraient être une quarantaine.

Mais, avertissement à tous ceux qui rêvent un jour de fouler les parquets de Matignon et de s’asseoir dans le grand salon pour donner leur avis sur la marche du monde et les élections, cette réunion se tiendra essentiellement en visio-conférence (merci Omicron). Et puis, message à tous ceux qui voudraient vite annoncer leur candidature pour avoir le plaisir et l’honneur d’une discussion sur les institutions avec Jean Castex, désolé, mais la liste des participants est close. Trop tard.

De la part du gouvernement, cette volonté d’associer largement ceux qui sont impliqués dans l’élection, c’est pourtant une bonne chose. Sauf qu’on sera en pleine fiction. A l’Elysée, on a pleinement conscience de l’importance et de la responsabilité du pouvoir dans le bon déroulement de ce grand rendez-vous démocratique que sera la campagne. Il a donc été décidé de rechercher un consensus en associant aux décisions à venir le plus grand nombre de prétendants à l’Elysée. Les vrais et les faux, les sérieux et les bidons (je laisse chacun faire son propre tri). Première fiction, donc, c’est l’idée d’arriver à un consensus entre des gens qui n’ont ni le même agenda, ni les mêmes objectifs.

Ne pas faire campagne sur son bilan

Chaque avis compte, bien entendu, mais objectivement, certains comptent plus que d’autres. Autre fiction : la commission travaillera sur les modalités du vote sans qu’il y ait eu, depuis 5 ans, la moindre innovation sur des outils plus modernes comme le vote sur Internet ou le vote par correspondance. Enfin, dernière fiction, il manquera tout à l’heure un candidat, et pas des moindres, Emmanuel Macron, qui ne s’est toujours pas officiellement déclaré.

Mais ça ne l’a pas empêché, lundi, de faire un déplacement 100% électoral à Nice et dans la vallée de La Roya, ni de multiplier les promesses pour les 5 à 10 prochaines années : budget sécurité augmenté de 15 milliards, doublement des effectifs de policiers sur le terrain, lutte contre l’insécurité au quotidien. De mémoire de collaborateur de président de la République candidat à un second mandat, on n’avait jamais vu ça à ce niveau-là. L’un d’eux me faisait d’ailleurs remarquer que ce choix d’Emmanuel Macron était assez risqué : parce que tout promettre au dernier moment d’un quinquennat, c’est aussi faire la démonstration que ça n’a pas été fait avant. C’est mettre le projecteur sur les impasses du mandat finissant.

C’est toute la difficulté de la stratégie choisie par le chef de l’Etat : ne pas faire campagne sur son bilan (on ne peut pas gagner sur un bilan, mais on peut perdre, reconnaît-on à l’Elysée) ; donc pas de bilan, pas de programme de rupture non plus, mais une continuité, la tentative d’un enchaînement des deux mandats avec des annonces qui débordent largement le mois d’avril prochain et la césure présidentielle. Evidemment, avec un tel état d’esprit, la réunion à Matignon sur les conditions matérielles de la campagne n’est qu’un détail et peut parfaitement être zappée.”

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