La généralisation du télétravail, permet aux salariés de mieux s’adapter, diminuant l’impact de la grève.

Au moment du reflux de la crise sanitaire, les syndicats touchent-ils aux limites de leur modèle de lutte sociale? Le recours au télétravail, généralisé au plus dur de la pandémie, a essaimé. Il continue à être suivi quand c’est possible et est rentré dans le cadre habituel de la gestion des ressources humaines. Alors que la DARES estimait en 2019 que 4% des salariés à peine pratiquaient le télétravail un jour par semaine (et 4% de façon plus occasionnelle), ce chiffre atteignait 27% en 2021.

L’effet du télétravail sur le mouvement de ce vendredi, mené par la RATP et la SNCF, n’est pas encore connu des syndicats. “Les mouvements d’importance à la RATP sont rares, et le précédent date de 2019”, souligne Frédéric Ruiz, président de la CFE-CGC RATP. Mais le contexte ne maximise de toute façon pas l’influence de la grève : “C’est le premier jour de vacances, un vendredi aussi, où il y a plus de télétravail”, relève Benoît Serre, directeur des ressources humaines de L’Oréal France et vice-président de l’ANDRH (Association Nationale des DRH).

Réagir vite

Le télétravail permet néanmoins aux entreprises de réagir très vite pour des grèves ponctuelles, sans dysfonctionnement. “Avant, vous fonctionniez à la tolérance, on demandait aux managers d’être tolérants sur les retards. Là, on n’a rien dit à l’avance”, détaille Benoît Serre. Et si un mouvement social devait perdurer, les entreprises pourraient augmenter la jauge de travail à distance, de un ou deux jours à trois ou quatre.

L’influence sur les grèves des transports est donc logique, même si des variables plus structurelles demeurent: “Le télétravail est surtout massivement adopté dans les villes qui sont grandes et embouteillées”, souligne encore le DRH. Une grande majorité de salariés ne télétravaillent pas, et une partie d’entre eux parce qu’ils ne peuvent pas délocaliser leur activité. Une note de l’Institut Sapiens chiffre à 37% les emplois “télétravaillables”, un chiffre qui rejoint celui d’une étude de 2020 menée par le National Bureau of Economic Research américain.

D’ailleurs, si la grève pénalise moins les grandes entreprises du tertiaire où le télétravail est désormais massif, les plus petites sonnent l’alarme. Dans un communiqué, la CPME d’Ile de France “regrette la grève massive” qui pénalise des TPE et PME qui “ne peuvent s’offrir le luxe d’un stop and go””.

Pressions publiques et individualisation

Les autorités ont en tout cas fait le choix d’actionner ce nouveau levier pour freiner l’impact de la grève, à l’instar du ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari :

“Les réactions du gouvernement suivent une logique de marketing politique, estime Frederic Ruiz. Les dirigeants sont plus ou moins attachés à la démocratie sociale. Le gouvernement actuel s’en fiche ; mais la tendance a toujours été de tenter de réprimer la mobilisation”.

Et, à plus long terme, la digitalisation du travail et l’extension du télétravail incarnent, pour le patron de la CFE-CGC RATP, une façon d’individualiser les salariés.

“Les mesures comme le télétravail ont un intérêt en elles-mêmes: les encadrements comme les salariés les réclament. Mais elles cassent aussi le collectif et rendent plus difficiles les revendications collectives.”

Valentin Grille

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